Au milieu des années 1960, dans la région de Boston, plusieurs femmes ont été assassinées chez elles, dans des circonstances particulièrement nébuleuses, sans motif apparent.
Le corps de police de l'époque étant souvent au-dessus de ses affaires, c'est une journaliste de la section Art de vivre du Boston Record, Loretta McLaughlin (Keira Knightley) qui a été la première à soulever l'hypothèse que ces meurtres étaient peut-être l'oeuvre d'un seul et même tueur.
Bref, nous pouvons affirmer sans nous tromper que les détectives affectés à ce dossier morcelé n'étaient pas les "pogos les plus dégelés de la boîte".
Avec l'accord de son rédacteur en chef (Chris Cooper), Loretta effectua ses propres recherches dans ses temps libres, jusqu'à ce que ses découvertes exposent une vérité que les hautes instances de la ville auraient bien voulu garder loin de l'oeil et de l'esprit du public, question de ne pas créer le vent de panique qui allait inévitablement suivre.
Le fer de lance de ce Boston Strangler du réalisateur Matt Ruskin est d'ailleurs l'importance du regard féminin sur une affaire qui les concernait toutes directement. La volonté de Loretta et de sa collègue Jean Cole (Carrie Coon) était autant nourrie par un désir de justice que la volonté de permettre à leurs consoeurs de dormir de nouveau sur leurs deux oreilles.
Évidemment, le duo se bute à un monde dominé par les hommes, dans lequel elles ne pouvaient espérer obtenir les mêmes opportunités, voire le même respect. Loretta et Jean sont souvent filmées et placées dans des situations et confrontées à des dilemmes que nous associons généralement à des personnages masculins. Ruskin marque d'ailleurs des points en soulignant la façon dont les deux journalistes d'enquête avaient elles-mêmes été intégrées à la nouvelle par leur employeur, et ce, d'une manière aussi téméraire que sensationnaliste.
Plus près du film d'enquête que du récit de tueur en série, le scénario de Matt Ruskin est construit de façon assez mécanique, passant par tous les moments dramatiques auxquels nous pouvons nous attendre d'une telle production, en particulier en ce qui a trait aux conséquences sur la vie personnelle d'un dossier tournant à l'obsession, et à la volonté des autorités de donner le plus rapidement possible un coupable à la population, quitte à se tromper.
Boston Strangler marche en ce sens dans les traces du remarquable Zodiac de David Fincher, sans toutefois atteindre des sommets aussi vertigineux. Une scène en particulier, où Loretta se retrouve dans une position précaire, fait directement écho à l'une des meilleures séquences de l'opus de 2007 mettant en vedette Jake Gyllenhaal.
Sur un ton beaucoup plus terne et uniforme, Boston Strangler explore tout de même efficacement les rouages du travail d'enquête journalistique, tout comme les liens qui se créent au fil du temps avec les autorités, et l'importance de la collaboration et du partage d'informations.
Mais les vraies vedettes du présent long métrage demeurent la ville de Boston et la reconstitution d'époque. Ruskin et son équipe ont su trouver des lieux de tournage créant une atmosphère urbaine sinistre à souhait, baignés dans des teintes et des éclairages sombres nourrissant allègrement cette tension.
Même s'il s'en tient à son cahier de tâches, Ruskin signe un suspense mené de manière compétente et étonnamment posée, parfois trop insistante au niveau du discours (Disney oblige), mais naviguant néanmoins avec clairvoyance à travers les détails d'une enquête qui était beaucoup plus sinueuse et complexe qu'elle pouvait le paraître au premier abord.
Appuyé par une distribution bien assemblée, Boston Strangler rend un hommage senti à l'apport de deux des figures les plus importantes de cette affaire que l'Histoire n'avait pas retenue à sa juste valeur. Comme nous nous souvenons davantage du nom d'un tueur plutôt que de celui de ses victimes au bout d'un certain temps.
Boston Strangler est disponible dès maintenant sur Disney+.