L'existence n'est qu'une succession de décisions qui s'ouvrent sur de nouveaux choix. C'est d'autant plus vrai pour l'héroïne de L'autre côté de novembre qui hésite entre demeurer dans son Liban natal ou le quitter pour le Québec. À quoi ressemblera ma vie si je reste ou si je pars? Ces deux possibilités sont explorées au fil d'un récit bien intentionné, mais un peu maladroit.
On songe rapidement au Hasard et à La double vie de Véronique de Krzysztof Kieslowski, ou même à quelques chefs-d'oeuvre d'Alain Resnais. Cette odyssée entre le ici et le ailleurs en sera une de mémoire et de réminiscences. Les ellipses n'avaleront pas seulement les lieux, mais également le temps, alors que des aller-retour se feront entre hier et aujourd'hui au gré de fantômes qui hantent sans cesse.
Cette dualité de destins a tôt fait de rendre inutilement complexe le scénario. À l'image du récent C'est le coeur qui meurt en dernier d'Alexis Durand-Brault, la mise en scène qui épouse les fragments de souvenirs se perd quelque peu dans l'esbroufe en offrant des moments trop explicatifs et appuyés. Pour apprécier davantage le long métrage, mieux vaut le recevoir comme il vient en prenant soin de troquer le cartésien pour le ressenti, laisser tomber le pragmatique pour mieux embrasser la poésie émotive. Ce n'est toutefois pas aussi évident à faire que devant l'élégant Julieta de Pedro Almodovar ou la très intrigante animation japonaise Your Name de Makoto Shinkai, qui s'aventuraient également dans des quêtes de souvenance du passé.
Comme dans les précédentes créations de sa cinéaste Maryanne Zéhil (La vallée des larmes, De ma fenêtre, sans maison...), le féminin se heurte au masculin, alors que le déracinement finit par traumatiser tout un chacun. Les histoires s'apparentent peut-être à un format miroir, celle qui se déroule au Québec est plus satisfaisante que son équivalent libanais. C'est là que les nombreux thèmes - que l'on aurait souhaité plus approfondis - prennent forme, ce qui donne quelques beaux moments de cinéma. Le plus essentiel est cet instant où la protagoniste se demande qui va se souvenir d'elle une fois qu'elle retournera à la poussière. Un halo de solitude qui renvoie à la condition du spectateur, à cette nécessité d'exister réellement.
Un semblant d'enquête identitaire brise cependant ces questionnements féconds, alors qu'une amie d'enfance disparue deviendra un catalyseur de l'intrigue. Ce segment est beaucoup moins convaincant, fracturant un peu l'aura de mystère qui entoure l'effort. Du coup, on retourne sur terre et on note que le jeu des comédiens laisse parfois à désirer. Ce n'est pas le cas d'Arsinée Khanjian, muse d'Atom Egoyan, qui est fort à l'aise dans le double rôle, mais de Marc Labrèche en confident, de la plupart de ses collègues québécois (hormis Pascale Bussières, parfaite en réflexion claire obscure du personnage principal) et de jeunes interprètes inégaux.
Malgré des moyens réduits qui se font parfois ressentir à l'écran, L'autre côté de novembre propose un voyage cinématographique qui est loin d'être banal, où la photographie majestueuse apporte beaucoup à l'ensemble. Parfois gauche et ampoulée, la production ne manque pas de tendresse et elle éclaire sur notre apport à soi et à l'autre, qu'il soit de nature humaine ou géographique.