L'arracheuse de temps est la troisième adaptation cinématographique d'un conte de Fred Pellerin, mais elle est de loin la meilleure. Francis Leclerc a choisi d'aborder l'imaginaire foisonnant du conteur québécois de façon différente, plus sombre et fantasmagorique que jamais aucun autre cinéaste n'avait osé le faire. On retrouve bien sûr les personnages colorés et l'humour lyrique de Pellerin, mais il y a une couche de magie supplémentaire, une atmosphère surnaturelle envoûtante, qui rappelle l'univers de Tim Burton.
Dans le film, une vieille dame raconte à son petit-fils (une version enfant de Fred Pellerin) comment la Mort a été déjouée par les habitants de Saint-Élie-de-Caxton en 1927. Son récit fera revivre les personnages extraordinaires du village de l'époque.
« Des fois, tu voyais la solution, puis tu te disais : ça, ce ne sera pas beau quand le problème va arriver. »
Leclerc a su s'entourer des meilleurs pour offrir une oeuvre unique. La qualité des décors n'a d'égale que celles des costumes, des maquillages, des coiffures et des accessoires. La direction artistique de L'arracheuse de temps est impeccable. Le tout est à la fois réaliste et mythique; loufoque et émouvant. Les différents looks des personnages correspondent à la description éloquente qu'en fait le conteur dans ses spectacles.
On reconnaît d'un seul regard le barbier Méo, le forgeron Riopel et la mystérieuse Stroop. Mention spéciale au Curé neuf et à son interprète Pier-Luc Funk, qui nous livre les plus gros fous rires du film avec sa chevelure sans bon sens et son zozotement caricatural. De ce fait, tous les interprètes ont été justement sélectionnés. Marc Messier fait un coiffeur ivrogne fort attachant, Émile Proulx-Cloutier s'avère crédible sous les traits de l'avare marchand Toussaint Brodeur et Jade Charbonneau incarne une Bernadette sympathique à laquelle on s'identifie sans peine.
Le réalisateur a aussi saupoudré son film de quelques effets spéciaux impressionnants. Ces arabesques visuelles permettent d'envelopper l'oeuvre d'une forme de magie singulière. Du côté de La Mort, on aurait préféré que son visage reste dans l'ombre. Bien que le maquillage soit réussi, son apparence jure avec le reste de l'oeuvre et nous fait décrocher. Cela n'enlève rien, par contre, à la performance de Roy Dupuis, qui se cache sous les habits noirs de la grande faucheuse et qui se meut de façon remarquable.
Il y a certainement une plus-value à aller voir ce film en salles; on appréciera davantage ses qualités esthétiques sur un écran géant. L'arracheuse de temps fait, sans conteste, partie des meilleurs films québécois de l'année!