Il y a des films qui, même s'ils sont parfaits techniquement (de bons acteurs, un montage rythmé, un scénario original et efficacement développé ainsi une réalisation honnête), nous apparaissent étrangement creux. Certains appellent ça l'âme d'une oeuvre, d'autres parleront de l'absence de la signature du réalisateur et la plupart chercheront sans trouver la chose qui cloche, qui empêche le film de briller et d'éblouir ainsi son public. The Debt souffre de ce manque mystérieux. Lorsqu'on l'analyse de manière théorique, on ne peut que louanger ses prouesses et pourtant quelque chose nous échappe...
Ce qui fait la force d'un film comme celui-ci et irrémédiablement le talent exceptionnel de ses comédiens. Jessica Chastain est lumineuse et inspirante dans le rôle d'une agente de terrain du Mossad, fragile et délicate, qui doit gérer l'échec de sa mission et la perfidie d'un bourreau de la Deuxième Guerre. Helen Mirren, qui incarne la même femme mais trente ans plus tard, livre une performance tout aussi prodigieuse et bouleversante. Leurs complices masculins sont également à la hauteur des personnages complexes qu'ils personnifient. Sam Worthington nous dévoile la polyvalence de son jeu et l'intensité dramatique dont il est capable. Même si l'homme qu'il interprète est à la fois sombre, froid et blessé, il arrive à le rendre sympathique, charmant même.
La structure scénaristique que l'on a choisie d'utiliser ici - une déconstruction narrative accompagnée d'un montage rythmé et divulgateur - se marie parfaitement avec l'histoire composite que l'on nous raconte avec beaucoup de prudence. L'intrigue est bien menée jusqu'à la fin - malheureusement un peu molle - et chacun des éléments qui forment le dénouement final nous sont livrés avec intelligence et subtilité. Certains plans magnifiques (le plan-séquence du début est une sublime entrée en matière) et la perspicacité des effets sonores (les gouttes d'eau qui tombent dans les chaudières ont une fonction beaucoup plus grande que simplement acoustique, elles deviennent un moteur de l'histoire, un incitateur narratif) nourrissent également la cadence du film.
Le cinéma - américain qui plus est - a beaucoup parlé de la Deuxième Guerre mondiale; des réfugiés de guerre, des gens torturés, des journalistes minés par la peur, des criminels rongés par les remords, mais cette perspective du Mossad, cette soif de justice des Juifs (bien qu'elle aussi exploitée sur grand écran), nous apparaît comme un vent nouveau, rafraîchissant. Peut-être est-ce la manière audacieuse de nous le présenter, le regard neuf sur les évènements, mais le récit, même si dans un contexte mille fois emprunté, nous semble soudain insolite.
Même si The Debt nous paraît étrangement incomplet, exempt de cette flamme qui faisait que, par exemple, The Social Network n'était pas qu'un film sur la création de Facebook ou que Somewhere révélait plus que la simple histoire d'un acteur blasé et déchu, elle reste une oeuvre pertinente et sensible.