Qui n'aime pas Omar Sy? Depuis que la planète cinéma l'a découvert dans Intouchables, celui qui a la prestance de Will Smith et le charisme de Sidney Poitier met tout le monde dans sa poche avec ses sourires enjôleurs. Il est souvent la seule et unique raison de s'intéresser à des productions oubliables, que ce soit Demain tout commence et Chocolat. Mais même lui est incapable de venir à la rescousse de l'affligeant Knock.
Il incarne un (faux?) docteur qui, de passage dans un petit village français, convainc sa population qu'elle est malade afin de s'en mettre plein les poches. Un béguin pour une jolie fille et un être issu de son passé risquent toutefois de le ramener sur terre.
Ce film est une adaptation très - trop - libre de la pièce de théâtre Knock ou le Triomphe de la médecine que Jules Romains a écrite en 1923. En fait, il n'y a pratiquement rien en commun. L'action originale qui se déroulait entre les deux guerres permettait de saisir le climat de l'époque, cette montée du totalitarisme avec ce héros qui manipulait à sa guise les foules.
Un thème criant d'actualité qui est complètement gommé par le présent scénario, campé dans les années 50. En confrontant timidement la marchandisation de la médecine à la religion, le script use à gros traits de situations grotesques, comme celle où le prêtre vole l'argent de son église pour renflouer un malfrat. On est loin de There Will be Blood qui jouait sur un registre similaire dans sa façon d'opposer capitalisme et foi.
Débarrassé de ses zones d'ombre et de son cynisme, le long métrage devient un simple feel-good movie. Une comédie pour toute la famille, gentille et inoffensive, où sa bande-annonce dévoilait déjà tous les enjeux. En mélangeant humour faiblard, romance surannée et drame peu émouvant, la réalisatrice Lorraine Levy (Le fils de l'autre) apparaît en très petite forme. De toutes ses créations cinématographiques, Knock est certainement la plus décevante. Rien ne ressort de sa mise en scène poussiéreuse, si ce n'est ce désir peu ambitieux de recréer une carte postale bucolique. Et que dire sur cette longue séquence de diarrhée qui s'expose dans toutes les pièces...
Les nombreux personnages ne sont que des archétypes ambulants, se résumant au facteur ou au pharmacien. Le casting est pourtant impressionnant, réunissant de solides acteurs contemporains (Ana Girardot, Pascal Elbé, Audrey Dana) et des légendes d'autrefois (Hélène Vincent, Rufus, Michel Vuillermoz, Jean-Marie Lecoq). La plupart ont toutefois tendance à forcer la note, comme cette pauvre Sabine Azéma, complètement laissée à elle-même.
Et Omar Sy dans tout ça? Il est flamboyant, comme d'habitude. Son aisance est telle qu'on a tendance à ne voir que lui. C'était sans doute voulu, justement, pour ne pas remarquer tous les défauts qui l'entourent. Autant le comédien nage comme un poisson dans l'eau, autant le Omar Show a ses limites. L'être qu'il interprète n'a pratiquement aucune nuance, aucune complexité. On sent sa folie dans une seule scène, qui est rapidement mise de côté pour rappeler lors d'un discours final lénifiant comment « tout le monde peut changer » et « peu importe ses compétences s'il nous fait du bien ». Trop parfait, il n'a pratiquement plus rien d'humain, réduisant du coup l'intérêt comme peau de chagrin. On imagine déjà le choc des cinéphiles de découvrir les précédentes versions et de voir à l'oeuvre le mythique Louis Jouvet dans un registre bien différent.
Knock s'apparente à une brise passagère, dont le charme s'estompe presque instantanément. Elle peut faire plaisir l'espace de quelques moments et Omar Sy a tout le talent pour la reconduire. Sauf que derrière ce mirage de respecter l'essence d'un important texte théâtral se cache de la trahison pure et simple. Celle d'édulcorer en voulant ratisser large sans rien avoir à proposer d'édifiant en retour.