La série Kingsman est une véritable énigme. Autant le film d'introduction s'avérait un divertissement d'une redoutable efficacité, autant sa suite croulait sous la médiocrité. Qu'en est-il de ce retour aux origines, qui devait initialement prendre l'affiche à la fin de 2019?
Le cinéaste Matthew Vaughn a décidé de conclure sa trilogie en sortant le même tour de passe-passe qu'il avait utilisé sur son excellent antépisode X-Men: First Class: que ses personnages s'inscrivent dans l'Histoire. Il ne s'agit plus ici de revisiter la crise des missiles de Cuba, mais bien la Première Guerre mondiale! Notre héros (Ralph Fiennes) et son équipe de choc tentent d'empêcher une organisation secrète de contrôler les grandes nations et de semer le chaos. On fera donc la rencontre de nombreuses figures importantes, dont François-Ferdinand et même Raspoutine. Un révisionnisme simpliste et souvent douteux - le pacifisme en prend pour son rhume, alors que Lénine est évidemment montré comme un être dangereux - qui est supposé faire rire.
C'est toutefois là où le bât blesse. Malgré ses élans satiriques, The King's Man peine à intéresser et à faire sourire. Le grand responsable est le scénario bordélique de Vaughn et de Karl Gajdusek (The November Man). Il ratisse tellement large que les enjeux finissent par se perdre en cours de route. La première partie et de loin la plus décevante se concentre sur la relation père/fils avec un résultat particulièrement sirupeux et moralisateur. Le traitement se voulait peut-être ironique, mais il n'est pas drôle pour autant. Le script tente de prouver qu'il est songé, profond et élaboré alors qu'il se trouve aux antipodes.
Heureusement, les scènes d'action prouvent le contraire. Elles sont souvent démentielles, rigolotes et violentes. Le réalisateur n'innove guère (il a déjà tout fait ça en mieux sur Kick-Ass), sauf qu'on le sent enfin se détendre et se laisser aller. Sa mise en scène vitaminée amuse dans ses excès de ralentis et de chèvres, le tout étant accompagné d'une trame sonore virevoltante à souhait.
La distribution joue dans le ton même si les personnages n'échappent jamais à la caricature. Ralph Fiennes laisse sortir sa testostérone, Gemma Arterton et Djimon Hounsou se pensent dans un épisode de Mission: Impossible, tandis que le casting fait défiler les gueules évocatrices comme Matthew Goode, Rhys Ifans, Daniel Brühl, Tom Hollander (trois fois plutôt qu'une), etc. Le seul faux pas est la présence d'Harris Dickinson - la découverte de Beach Rats - en rejeton plat et sans relief : l'acteur étant beaucoup plus à l'aise dans le registre d'auteur.
Même s'il passe son temps à citer le roi Arthur, Lancelot et autres chevaliers de la Table ronde, The King's Man ne possède ni le souffle épique de Green Knight ni la désinvolture jubilatoire de Kaamelott. Il s'agit plutôt d'un film d'action formaté qui ne lève jamais, ignorant comment se réinventer. Tout le contraire de Spider-Man: No Way Home, quoi. En espérant que Matthew Vaughn lâche enfin les adaptations de bandes dessinées et qu'il se mette un peu en danger. Cela avait payé à l'époque de Layer Cake, qui a lancé la carrière d'un certain Daniel Craig. Depuis, le comédien est devenu l'agent 007 et le réalisateur, lui, se perd dans des ersatz de James Bond.