Mieux vaut tard que jamais. C'est ce que se disent les nombreux admirateurs de la série culte Kaamelott, qui ont dû patienter 11 années avant que leur émission préférée soit transposée au cinéma. Est-ce que l'attente en valait la peine?
Les inconditionnels seront au septième ciel. Le long métrage d'Alexandre Astier s'adresse presque exclusivement aux fans, à cette culture geek qui connaît chaque réplique par coeur. Il y a pourtant eu six saisons, des centaines d'épisodes et des mots d'esprit inoubliables, dont le mythique «c'est pas faux» qui se trouve dans la lignée des meilleurs dialogues de Michel Audiard. Passer deux heures dans le royaume de Logres sera certainement pour eux un des sommets de 2021 tant ils se sont ennuyés d'Arthur et de ses acolytes.
Quant à eux, les néophytes seront complètement perdus avec cette horde de personnages, ce mélange de genres et cette façon décalée de parler. Difficile de débarquer vierge dans un univers aussi démentiel tant les références, les clins d'oeil et les hommages fusent de toutes parts. Il ne s'agit pas d'une variation sur les chevaliers de la Table ronde à la façon du Excalibur de Boorman, du Lancelot du lac de Bresson ou du Perceval le Gallois de Rohmer, mais plutôt d'un remake de Star Wars qui serait croisé avec Astérix et les Monty Python and the Holy Grail! Bref du délire et du gros n'importe quoi... mais faut-il seulement saisir la nuance et les codes. Des clés qui manquent ici à l'appel.
Ce n'est toutefois pas une raison de bouder son plaisir. À condition, évidemment, de conserver son sens critique. Parce que ce premier volet (une trilogie est planifiée) est loin de débuter sur des chapeaux de roues, bien au contraire. La première demi-heure est d'ailleurs assez fastidieuse dans son élaboration. Le scénario qui avance au compte-goutte ne semble exister que pour multiplier les cameos d'importances variables - Guillaume Gallienne, Clovis Cornillac... - sans rien offrir de très satisfaisant en retour.
Cela va déjà mieux lorsque les héros font leur entrée et qu'ils échangent ensemble. Malgré le passage du temps, ils n'ont pas du tout évolué. Arthur cherche continuellement à se dérober du pouvoir, Lancelot est plus vil que jamais et Guenèvre des plus romanesques. Quelle joie de retrouver le fin gourmet Karadoc et, bien entendu, Perceval, qui amène avec lui sa connerie et son hystérie habituelle! À tel point qu'on aurait aimé le voir davantage. Lui ainsi que Léodagan et Merlin, qui font presque de la figuration. Chez les nouveaux venus, le chanteur Sting ne laissera pas indifférent avec son regard assassin, créant un duo assez particulier avec Jehnny Beth de la formation Savages.
Doté d'un budget plus que conséquent, ce Kaamelott gonflé pour le cinéma n'aura jamais été aussi séduisant sur le plan technique. Il y a eu un avant et un après Game of Thrones et cela paraît. L'orchestration bien présente rappelle celle de John Williams, alors qu'un véritable travail d'orfèvre a été apporté à la couleur qui semble évoluer au fil des nombreux univers. Surtout que le soin apporté aux costumes, aux décors et à l'image est plus que conséquent.
Une ambition qui rend le récit plus héroïque et spectaculaire... mais est-ce réellement pour le mieux? Alexandre Astier excelle dans les scènes courtes et précises, développant à merveille une idée pendant trois-quatre minutes même si elle ne sert à rien narrativement. C'est là par exemple que les fous rires éclatent lorsque Arthur explique à Lancelot et Karadoc d'aller faire le guet à 200 mètres ou que le groupe doit remporter un jeu dont il ignore les règles. En revanche, son impact s'avère plus quelconque et limité en privilégiant le drame à l'humour (ce qui arrive depuis le livre V), en misant sur la romance mièvre et l'émotion inopérante dans sa multiplication lassante d'ellipses temporelles.
Peut-être qu'à force de mettre la table (ronde?), Kaamelott a gardé le meilleur pour les deux prochains volets. Ce serait à souhaiter parce que l'humour si irrésistible de la série n'a pas toujours le même effet. Est-ce la faute de la durée plus longue que d'habitude qui ankylose le rythme ou de cette poudre aux yeux visuelle qui explique ce changement? Ou simplement de la bonne vieille malédiction dans l'adaptation d'émissions légendaires qui finissent invariablement par détruire quelque peu le charme et la magie en place? Ce fut le cas du film des Simpsons, de celui de South Park et maintenant de cette production qui parvient à divertir sans pour autant marquer irrémédiablement les esprits.