La banlieue française a mauvaise réputation. Le cinéma la représente pratiquement toujours sous le joug dramatique, offrant à l'occasion de grands films comme La haine, L'esquive et Divines. Jusqu'ici tout va bien fait figure d'exception en embrassant ses possibilités comiques, même les plus incroyables et insoupçonnées.
Le long métrage ressemble d'ailleurs à un conte de fées, à une fable sur le choc des cultures où les employés d'une agence parisienne - dont la plupart sont évidemment snobs et plein de préjugés - s'humanisent en devant travailler en banlieue. Ils découvrent que non seulement cet endroit n'est pas dangereux, mais qu'il est peuplé de gens sympathiques qui s'entraident. L'idéal pour remettre les pendules à l'heure et les valeurs à la bonne place, surtout pour le patron (Gilles Lellouche) qui n'a jamais été un bon modèle pour son fils adolescent...
Les situations sont lourdes, l'écriture peu subtile et les bons sentiments dans le tapis. Voici une oeuvre qui détenait pourtant un fort potentiel social - on le sent dans le sous-texte, les allusions politiques et économiques - et qui s'applique « seulement » à divertir. Souvent de la façon la plus facile possible, en se vautrant dans les clichés les plus élémentaires. Aucun détail n'est épargné et ce qui fait sourire finit par lasser dans l'engrenage de la durée et des répétitions. Le récent Les invisibles agissait un peu de la même façon, avec des résultats toutefois plus probants.
Après ses tendres et réussis Né quelque part et La vache (qui a connu un succès monstre), le cinéaste franco-algérien Mohamed Hamidi privilégie cette fois la comédie pure. Celle ponctuée de répliques vives, au rythme acéré et au montage précis. Peu importe si la moitié des gags tombent à l'eau, il y aura toujours l'autre moitié pour soutirer quelques rires. Cela semble plus facile avec un acteur aguerri comme Gilles Lellouche qui a déjà vu neiger et qui connaît parfaitement ce registre de bougre cynique qui deviendra une meilleure personne en côtoyant les autres. À ses côtés émanent de nombreux personnages caricaturaux et hauts en couleurs, dont le plus attachant est certainement l'humoriste Malik Bentalha, cocasse en acolyte sans défense qui peut rappeler le Pierre Richard des beaux jours.
Sans voler très haut, tout ceci ne s'avère cependant pas désagréable. Jusqu'au moment où apparaissent des moments à la limite du racisme - le comble pour un film qui prétend le pourfendre - qui rappellent de mauvais souvenirs : ceux de Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu? et Tanguy, le retour. Puis il y a cette finale, très discutable, qui met sur un piédestal l'argent, l'opulence et les activités louches de gentils dealers afin de redonner une fierté à une strate sociale ostracisée. Lorsque l'espoir prend le visage de la complaisance.
On prendra alors Jusqu'ici tout va bien pour ce qu'il est. Non pas tant une façon d'éclairer le réel en grossissant ses traits (à la façon de Pierre Jolivet ou de Claude Chabrol), mais comme un feel good movie bon enfant prêt à tout sacrifier - vraisemblance, personnages, émotions - pour amuser la galerie. Mais après avoir ri un bon coup, qu'est-ce qu'il reste? Qu'est-ce qu'on retient? Pas grand-chose.