La musique yéyé si populaire au Québec dans les années 60 renaît de ses cendres grâce à Jukebox, un documentaire léger et conventionnel qui ne passera pas à l'histoire.
En ces temps sombres et incertains, revenir à un moment plus clément peut être bénéfique. Pas seulement à des fins nostalgiques (quoique...), mais afin que le passé éclaire le présent. C'est un des objectifs de cette création qui donne la parole à Denis Pantis, un producteur québécois qui a lancé la carrière de groupes et artistes extrêmement populaires comme Michèle Richard, Renée Claude et Les Classels. Difficile de ne pas vouloir danser sur tous ces succès qui se succèdent et qui mettent instantanément de bonne humeur avec leurs paroles naïves et sucrées.
En ressassant l'industrie du disque vinyle alors fleurissante au Québec, les cinéastes Guylaine Maroist et Éric Ruel (God Save Justin Trudeau, Les États-Désunis du Canada) filment évidemment le changement de mentalité de la Belle Province, entre la mainmise du clergé et le désir d'émancipation de la jeunesse. Plusieurs thèmes importants sont abordés, mais seulement en surface, trop brièvement, avec un humour qui empêche de prendre véritablement au sérieux ce qui arrive. Le jour et la nuit avec des documentaires plus fournis comme Les Rose.
Un des problèmes est peut-être dans la façon de présenter Denis Pantis. Le parcours de cet homme-clé et trop peu connu du grand public mérite qu'on s'y attarde. Sauf que le traitement édifiant relève de l'hagiographie. Tout le monde l'encense pratiquement du début jusqu'à la fin, alors que son rêve de grandeur comporte bien peu de nuances et de réserves.
Selon lui, «dans une tune, ça prend une gimmick », et c'est justement ce qu'offre ce long métrage dont l'ambition première est de divertir. Dès le départ, l'effort annonce clairement ses couleurs en encourageant le spectateur à chanter et taper des mains. Une sorte de séance de karaoké qui fonctionne à merveille en festival, au sein d'un public complice. Cette poudre aux yeux (et aux oreilles) a toutefois tendance dans la durée et la répétition à créer une distance au fil du visionnement et d'expulser le cinéphile hors du récit.
Entre les nombreuses archives et les quelques recréations, le film dynamique au possible ne manque pas de titiller le regard et l'ouïe. Encore là, il aurait pu être plus investi dans sa mise en scène et davantage en phase avec son sujet. Ce n'est pas tant un manque de personnalité dans la réalisation (même si cela ressemble parfois à un épisode destiné à la télévision avec des images qui viennent répéter la narration et vice-versa) qu'une vision éminemment personnelle du projet qui manque à l'appel. Un peu comme l'était le magistral Une femme, ma mère de Claude Demers. La voix hors champ de la narratrice, trop didactique et simpliste, n'est également pas là pour aider.
Conçu spécialement pour les baby-boomers qui se délecteront des succès de leur enfance, Jukebox n'offre que le minimum afin d'intéresser les plus jeunes générations. L'ensemble ressemble parfois plus à un bonbon pop ludique qu'à un retour éclairant sur une époque précise (on est loin d'un essai fondamental comme Lumière! L'aventure commence). Mis à part la musique légendaire et la présence de Denis Pantis, il n'y a rien qui ressort réellement de cet ouvrage. Évidemment, le documentaire va au-delà des coups en écrivant dès le début que «Le film que vous allez voir peut ne pas convenir à un public... prétentieux ou grognon ». Même si l'on est ni l'un ni l'autre, ce n'est pas une raison suffisante pour garder ses lunettes roses en permanence.