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Les affres du patriarcat.
La sortie d’un film pakistanais est une chose rare dans nos contrées. S’il y en a un ou deux par an qui trouve un distributeur, on peut alors s’estimer heureux, mais il faut aussi préciser que ce n’est pas un pays qui possède une grande cinématographie contrairement à son voisin indien avec l’industrie Bollywood. « Joyland » a pu compter sur sa présentation cannoise où il a fait forte impression l’an passé dans la section Un Certain Regard, une sélection dont le jury lui a décerné son Prix. Et il faut également savoir que le film a été choisi pour représenter le Pakistan aux derniers Oscars alors même qu’il y ait toujours interdit... En cause, la présentation de mœurs incompatibles avec la Charria puisqu’on y voit un homme marié tombé amoureux d’une danseuse transgenre. Bien dommage pour eux car ce film est un petit bijou et il réussit quasiment tout ce qu’il entreprend en nous proposant une esthétique magnifique, un fond engagé en forme d’ode à la tolérance et à la différence mais sans prosélytisme ou propagande woke. Et, surtout, on a droit à une déferlante d’émotions et de séquences qui nous happent, nous envoûtent ou nous retournent le cœur à l’image d’un final bouleversant qui nous surprend avec un flashback inattendu, beau et déchirant qui remet en perspective la relation de deux personnages. On ne s’y attend donc pas mais les dernières images de « Joyland » nous mettent les larmes aux yeux alors que juste avant, le film de Saim Sadiq nous avait enjoint à la réflexion en nous montrant avec doigté et objectivité les conséquences horribles du patriarcat et de la religion dans la société pakistanaise de manière fine et juste.
« Joyland » déroule durant deux heures flamboyantes et incandescentes, la vie d’une famille pakistanaise classique et se focalise surtout sur Haider, un jeune homme qui va tomber amoureux d’une personne transgenre sans y être préparé. Cela va avoir des conséquences insoupçonnées et dramatiques sur toute sa famille. Et, comme par magie, quasiment tout ce qu’entreprend Saim Sadiq dans son premier film est réussi et maîtrisé (et oui, c’est un premier film, ce qui rend le résultat encore plus impressionnant et méritoire). Les personnages sont dépeints avec beaucoup d’empathie et de justesse et le scénario laisse le temps à chacun d’exister. Il développe aussi des sous-intrigues intimement reliées à la trame principale (cet adultère inattendu donc), et qui vont finir par sceller la tragédie en place, comme cette dépression post-partum ou la relation de la tante et du père. Avec cependant toujours en ligne de mire, une réflexion, voire une critique, des lois religieuses, des traditions et du patriarcat pour les personnes différentes et un exemple des dangers que cela représente. Les instants de désir sont montrés avec beaucoup de panache et de fougue, les frustrations aussi. Il y a quelques notes d’humour bien senties évitant à « Joyland » d’être trop sentencieux ou sombre. Quant à l’aspect visuel, outre le format carré pas forcément utile, Sadiq nous enchante les yeux avec des images et des cadrages voluptueux et quelques idées esthétiques du meilleur effet comme ces néons verts qui imprègnent les visages dans la nuit. Les passions sont tout aussi bien représentées que les contraintes sociétales et on se passionne comme jamais pour cette histoire qui prône le droit d’aimer avec charme et raison. « Joyland » est un très grand premier film porté par une distribution impeccable et qui vous laisse le cœur meurtri et l’esprit chamboulé.
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