L'adaptation d'une pièce de théâtre au cinéma n'est pas une tâche simple. Souvent, on se retrouve avec un film en huis clos sévère qui manque de volume. Heureusement, ce n'est pas le cas de Jouliks, qui propose une incursion sensible dans le quotidien d'une famille ayant choisi un style de vie bohème. Véra, Zak et la petite Yanna vivent dans une maison décrépie au coeur d'une campagne verdoyante. L'enfant ne va pas à l'école, les parents n'ont pas d'emploi comme la plupart des gens et tout le monde se tient loin des échos tapageurs de la ville. Cette façon de vivre apporte une réflexion intéressante chez le cinéphile. Comme le « retour à la terre » est de plus en plus d'actualité dans la situation écologique actuelle, il est pertinent de s'intéresser à des pratiques plus gitanesques dans le septième art.
La réalisatrice Mariloup Wolfe nous prouve ici ses talents de directrice d'acteurs. Victor Andrés Trelles Turgeon, Jeanne Roux-Côté et la petite Lilou Roy-Lanouette forment une famille crédible à laquelle on s'attache rapidement. Travailler avec une enfant de 9 ans n'a certainement pas été qu'une partie de plaisir, mais la cinéaste est parvenue à sortir le meilleur de la jeune Lilou, qui livre une performance transcendante. À la fois rebelle et charmante, Yanna est la narratrice et la protagoniste de cette histoire à hauteur d'enfant. Tant dans les scènes plus légères que dans les séquences dramatiques, la comédienne épate par son jeu juste et naturel. Trelles Turgeon et Roux-Côté l'épaulent grâce à des interprétations vibrantes, empreintes de romantisme.
La structure du scénario de Marie-Christine Lê-Huu contribue également à l'efficacité dramatique de Jouliks. Avant même qu'on plonge dans les prémisses de l'histoire d'amour des deux protagonistes adultes, on nous présente la fin qui les attend. Donc, dès le départ, on sait comment tout cela se terminera. Si cette pratique n'est pas toujours bien amenée au cinéma, elle est ici d'une grande puissance. Les spectateurs se demandent comment la situation a pu dégénérer à ce point. Qu'est-il arrivé pour qu'on en vienne à cette conclusion tragique? Cette interrogation obsède le cinéphile tout au long du film jusqu'à ce qu'on comprenne, quelques minutes avant le point culminant du récit, la terrible vérité. Là, nous sommes envahis de frissons et la gorge nous serre.
On aurait aimé que l'ensemble du film soit à l'image de cette finale saisissante. Bien que le travail ait été bien exécuté tant d'un point de vue technique, qu'esthétique ou scénaristique, il manque tout de même un certain niveau de féérie ou d'excentricité pour que Jouliks soit mémorable. Malheureusement, malgré ses valeurs différentes et son propos audacieux, Jouliks reste assez classique. Ce qui, par contre, ne signifie pas qu'il ne vaut pas le déplacement. Jouliks respecte ses promesses, il n'offre seulement pas plus que ce qu'on attend de lui.