Joker fait beaucoup jaser depuis sa grande première au Festival du Film de Venise. Nous avions très hâte de découvrir cette oeuvre subversive qu'on décrit déjà comme un candidat potentiel crédible pour l'Oscar du « Meilleur film ». Malgré nos attentes très élevées, Joker ne nous a pas déçus, même que, il faut le dire, on ne s'attendait pas à ce qu'il nous bouleverse à ce point. On prenait un peu à la légère les journalistes qui se questionnaient à savoir si le long métrage allait engendrer de la violence. Après le visionnement, on comprend désormais mieux cette inquiétude...
Joker laisse des cicatrices. On est habité par un malaise lancinant à la sortie de la salle de cinéma. C'est d'ailleurs là l'une de ses grandes forces. Quand le cinéma arrive à obséder autant le spectateur, à provoquer une émotion aussi forte, il dépasse le divertissement et devient une oeuvre d'art. Todd Phillips est arrivé à réaliser un film poignant, déconcertant, qui nous submerge par son intensité. Il s'agit d'un film excessivement violent; très noir, très dur, autant dans son propos que dans ses images crues. Les directions photo et artistiques sont admirables. Le Gotham City dépeint dans Joker est fétide, tyrannique et hypocrite. L'odeur de putréfaction traverse l'écran pour venir écorcher nos narines.
Au coeur de ce fumier, on retrouve un personnage psychopathe déconcertant. Joaquin Phoenix fait un Joker absolument parfait. On le prend d'abord en pitié, voyant qu'il est traité comme une rognure par la société embourgeoisée, puis on constate son aliénation, sa monstruosité, et il nous effraie. L'acteur paraît complètement habité par le personnage; sa démarche, son corps décharné, sa voix, son rire... Ce rire frénétique qui nous donne des frissons, comme une arme pointée sur notre tempe. Sa performance est tellement magistrale qu'on ne voit pas qui pourrait empêcher Phoenix d'obtenir l'Oscar du « Meilleur acteur » en février prochain. Il est hypnotisant, abominable.
Le scénario de Phillips et Scott Silver s'avère tout aussi percutant. Les deux hommes ont trouvé de superbes idées afin de transformer ce personnage de l'univers de DC Comics en un tueur en série crédible. D'abord, sa « condition » particulière qui l'amène à rire de façon incontrôlable dans des situations qui ne se prêtent pas à la rigolade s'avère un élément d'une efficacité renversante. On apprécie aussi beaucoup qu'Arthur Fleck soit un humoriste déchu qui veut à tout prix faire rire, mais qui n'engendre que le mépris.
Joker est un film à part, une oeuvre formidable qu'on doit approcher avec ouverture, malgré sa brutalité. Le rire aliénant de Joaquin Phoenix risque de vous hanter longtemps...
Découvrez ici 5 secrets de tournage sur le film.