Il y a de ces films qui nous étonnent, qui nous font du bien et qui nous divertissent d'adroites façons. Il n'est pas nécessaire que ce soit une comédie ou un drame sentimental pour qu'un film vienne nous toucher et nous faire sourire, les films d'action aussi peuvent engendrer ce genre de bien-être artificiel provoqué par le septième art. John Wick en est un bon exemple.
On pourrait croire que nous avons affaire ici à un film d'action tout ce qu'il y a de plus banal, et si c'est ce genre de production que nous recherchons, il n'est pas ardu de le considérer comme tel, mais John Wick a beaucoup plus à offrir qu'il ne le laisse croire au premier abord. L'histoire est celle typée d'un ancien tueur à gages qui a décidé de quitter le monde criminel afin de mener une vie paisible avec sa femme. Mais, quand cette dernière décède et qu'un petit voyou ose venir voler sa voiture et tuer son bébé chien (un cadeau fait par sa douce moitié), il décide de déterrer ses armes cachées sous le plancher du sous-sol et de se venger de ceux qui ont osé briser sa retraite paisible. Ce qu'il est difficile d'ignorer c'est que toute cette violence, toute cette brutalité, est encouragée par la mort d'un chiot. Certains considèreront cette entrée en matière pathétique, mais le brin d'humour et de légèreté qu'elle apporte n'est que salutaire à l'ensemble de la production.
Une chose particulièrement efficace dans John Wick est le ton. Le public a l'impression à prime à bord d'être en présence d'un monde réaliste, pragmatique, mais dès que le personnage tombe dans sa vendetta, il lève le voile sur un univers caché, mystérieux, un monde de criminels qui ne colle plus tout à fait avec notre réalité. Cette nouvelle société opère selon ses propres règles et offre un point de vue différent, plus marginal, aux spectateurs. L'univers s'approche un peu de celui de la bande dessinée. D'ailleurs, certains arrêts sur images accompagnés par des écritures colorées et ballonnées rappellent l'allure du roman graphique.
À 50 ans, on pourrait croire que Keanu Reeves n'a plus la carrure du héros de film d'action, mais c'est un acteur plus mature, plus juste et d'autant plus crédible que celui que nous avons connu dans Point Break ou Speed qui se présente aujourd'hui à nous dans John Wick. Sans grande surprise (l'acteur est un expert des arts martiaux), les séquences d'action sont magnifiquement interprétées. Et comme le comédien a pris l'habitude de faire ses propres cascades, ses habiletés permettent des plans plus rapprochés et des images plus percutantes. Michael Nyqvist, qui interprétait Mikael Blomkvist dans la franchise Millénium, fait aussi un travail impeccable dans le rôle du méchant. La plupart des acteurs secondaires livrent une performance juste, mais personne n'est de la même envergure que Reeves, qui prouve une nouvelle fois l'ampleur de son charisme.
Chad Stahelski et David Leitch, deux cascadeurs et réalisateurs de deuxième unité à Hollywood, font une belle entrée dans le monde des grands avec ce premier film bouillonnant. Leur réalisation permet le parachèvement de l'action et entraîne naturellement le spectateur dans ce monde carabiné. La direction artistique et le montage ont aussi un rôle important à jouer dans l'efficacité globale du long métrage. Le choix des lieux, des costumes et l'intensité du montage contribuent à l'aspect contrefait et légèrement pastiché de la production.
John Wick nous entraîne dans un univers légèrement disloqué dans lequel il est bon de se plonger pendant une heure trente, et même s'il serait facile ici de parler de clichés et de stéréotypes, on décide presque instinctivement d'ignorer notre raison pour laisser parler l'exaltation que nous procure ce film.