À la mort de Steve Jobs, il n'a fallu que quelques jours à Hollywood pour annoncer qu'il produirait un film sur sa vie, et à peine deux ans avant que cedit film prenne l'affiche dans les salles. Jobs arrive aujourd'hui accompagné par tout l'attirail publicitaire dont bénéficient les grandes productions et suffisamment de mystère et de prestige pour attirer l'attention du public, même celle des prophètes d'IBM.
Un film comme celui-ci génère beaucoup d'attentes, il va sans dire. Et beaucoup d'attentes entraînent souvent beaucoup de déceptions. Jobs n'est pas à la hauteur d'un Social Network, par exemple, qui, par ses textes incomparables, sa réalisation et sa direction d'acteurs maîtrisée avait su se tailler une place parmi les meilleurs films des dernières années, mais Jobs reste tout de même une oeuvre forte, biographie honnête d'un homme qui a ébranlé le monde entier par ses idées révolutionnaires.
L'honnêteté est probablement l'une des qualités qui nous frappent en premier chez Jobs. Parce qu'on aurait pu brosser un portrait flatteur du personnage, éviter de parler de ses défauts, se concentrer sur ses qualités, ou, mieux encore, transformer ses défauts en qualités, mais ce n'est pas ce qu'on a fait ici. Steve Jobs est dépeint comme un homme froid, acerbe, asocial et excessif. Un héros à qui on ne peut s'identifier vraiment, une personne fermée et indigne. Mais comme cette même personne est parvenue à créer un empire et a changé les habitudes des hommes, qu'il a bouleversé à jamais le monde technologique, on finit par pardonner ses travers. Ce n'est pas le film qui nous impose cette indulgence, il ne fait que nous dévoiler la vérité (la vérité est bien sûr plutôt relative dans ce cas précis, mais on ne peut s'empêcher d'y croire tellement le film transpire l'honnêteté).
Ashton Kutcher est impressionnant dans le rôle principal. Sa démarche, sa gestuelle, son intensité, tout est au rendez-vous pour arriver à nous faire croire qu'il s'agit de Steve Jobs à l'écran et non pas d'un acteur ambitieux, convoitant les récompenses. Chacun des comédiens secondaires apporte sa parcelle de magie à cette production biographique. Dermot Mulroney et Josh Gad sont particulièrement habiles dans les rôles de l'homme d'affaires Mike Markkula et l'informaticien Steve Wozniak.
C'est probablement la réalisation ainsi que les textes plutôt conventionnels qui empêchent Jobs de s'élever au-dessus de la masse. Sa musique omniprésente et son acharnement sur certains passages moins intéressants de la vie du personnage (dont par exemple ses années à travailler sur Lisa avant son entrée chez Macintosh) n'aident pas non plus le film à se démarquer. Comme l'oeuvre se consacre aux premières années de la carrière de Steve Jobs, le long métrage omet complètement (ou presque) de parler des plus récentes avancées technologiques de la compagnie qu'il a fondée (iPhone, iPad, iMac, iPod). Même si on comprend ce choix restrictif, on aurait tout de même aimé voir les dessous de la création de ces nouveaux joujoux Apple qui ont changé la face du monde moderne. Mais bon... Hollywood se fera un plaisir de nous produire un autre film, cette fois-ci sur la maladie de Jobs et ses dernières réalisations.
Somme toute, Jobs est satisfaisant. Il n'est pas particulièrement inspirant, ni éblouissant, mais il est honnête et consciencieux, des valeurs qui ne sont pas inhérentes à toutes les biographies, bien au contraire.