Dans la foulée du renouveau récent du cinéma québécois, on a cru que les réalisateurs avaient « comme par magie » saisi l'essence de l'adolescence dans leurs films. Yves Christian Fournier (Tout est parfait), Rafaël Ouellet (Derrière moi), Henri Bernadet et Myriam Verreault (À l'ouest de Pluton), entre autres, ont capté avec une inspiration étonnante cet « âge impossible » qu'on a tant de difficulté à définir et à représenter. Poursuivant la « tradition », Maxime Giroux propose avec son deuxième film, Jo pour Jonathan, un regard inspiré sur la relation entre deux frères dans une banlieue tranquille.
Au cinéma, faire appel aux sentiments est toujours un pari risqué (c'est pourtant nécessaire). Oui, montrer la victime d'un accident de voiture, ce sera émouvant pour ceux qui ont vécu un drame semblable, de la même manière que ceux qui ont dans leur famille un ou des grands-parents malades comme celui de La dernière fugue risquent de s'émouvoir plus facilement; mais qu'en est-il des autres? L'émotion est bien plus efficace lorsqu'elle est logique, comme c'est le cas dans Jo pour Jonathan (du moins dans la première partie). Mû par la vigueur inexplicable d'un adolescent sans repères, Jo subit plutôt qu'il n'influence le cours des choses, et c'est une tragédie qui vient le propulser dans l'âge adulte.
Cette première partie s'applique à mettre en place le drame pour qu'il apparaisse équitablement à tout le monde, pour ce qu'il est. Plutôt que nous être imposé, il est évident, facile à saisir tellement on a appris à connaître Jo et son frère à travers leur relation crédible. Il est d'ailleurs fascinant de les voir interagir puisque leur relation est inscrite sous le signe d'une virilité fraternelle rarement aussi crédible à l'écran. Les jeunes acteurs - qui ont la qualité d'être des inconnus - renforcent cette crédibilité que prône la réalisation de Giroux, qui est au service du film plutôt que de son propre nom. Le film est le style, et vice versa.
Or, la deuxième partie du film ne porte pas en elle l'émotion attendue, alors que Jonathan prend conscience des conséquences de ses gestes sur le monde qui l'entoure. On devine que le drame (les remords, peut-être) suivra Jonathan toute sa vie, mais comme elle est à l'extérieur du film, cela devient pudiquement individuel à chaque spectateur. À l'intérieur du film, l'accident ne bouleverse rien d'autre que la vie de Jonathan. Observatrice, la caméra (quand bien même elle serait « près » des personnages) ne parvient pas à pénétrer leur force tranquille et on ne partage soudain plus leur émotion.
Tous ces films sur les adolescents cités plus haut ont apparemment été en mesure de représenter fidèlement l'adolescence parce qu'ils avaient tous compris une chose primordiale que tous les films (ce ne sera pas la première fois que les « jeunes » donneront quelque chose à apprendre aux « vieux ») devraient savoir : on ne raconte jamais l'histoire de toute une génération ou de toute une société. À se concentrer sur un seul, on risque d'en comprendre bien davantage. Dans ce cas-ci, on regrette presque que le drame (on est dans un film narratif, après tout) doive absolument frapper, car les personnages sont d'une fascinante profondeur qu'il est enivrant d'explorer.