Après trois films d'une densité dramatique certaine, la cinéaste Anne Émond aère son cinéma avec le plus léger et ludique Jeune Juliette.
Cela ne signifie pas pour autant qu'elle vient de pondre un long métrage futile et superficiel comme le laissait croire sa pénible bande-annonce. Ce sont tous les tourments liés à l'adolescence qui sont représentés par le prisme de Juliette, 14 ans et un peu enrobée, qui ne se sent pas à sa place auprès des siens, rêvant l'existence au lieu de la vivre réellement.
Le récit d'apprentissage est probablement le genre le plus visité ces dernières années par le cinéma québécois et Jeune Juliette peine à sortir du lot. Pour une surprise rafraîchissante, il y a toujours un défaut qui saute aux yeux, sabordant presque le résultat final. C'est le cas des dialogues, parfois trop écrits et moralisateurs, ou des situations, parfaitement prévisibles, qui célèbrent la différence et la nécessité de s'accepter.
Ce serait pourtant oublier tous ces moments sincères, où l'intimité et l'émotion ont bien meilleur goût. Ce sont des instants d'une simplicité désarmante, de grande humanité et vulnérabilité, qui débutent généralement par une question de l'héroïne à son père, sa mère ou son grand frère. Une réflexion mélancolique sur la difficulté d'être et d'aimer, surtout lors d'une période aussi ingrate que l'adolescence.
Une amertume qui trouve son sens lorsqu'elle est mélangée au quotidien, absurde et cruel à la fois, qui n'éclipse jamais totalement la lumière et cet espoir de beaux lendemains. Elle resplendit clairement chez Alexane Jamieson, dont le caractère attachant permet de moins s'attarder aux imperfections du scénario. Celui qui permet de libérer - et pratiquement d'excuser - la violence de Juliette sur ses semblables, car elle a souffert de violence et d'insultes plus graves... Au moins, le sujet de l'intimidation n'est pas traité par la voie de la tragédie comme dans 1:54.
C'est lorsque l'héroïne apparaît en compagnie de sa meilleure amie, campée avec aisance par Léanne Désilets, que le charme opère à plein régime, avec cet humour pince-sans-rire et ces répliques sarcastiques. Un peu plus et on se croirait devant le jubilatoire Booksmart d'Olivia Wilde. L'oeuvre ne maintient malheureusement pas cette cadence et la comédie s'estompe peu à peu. Elle est néanmoins momentanément ressuscitée par de truculents personnages secondaires, dont Robin Aubert en père aimant et compréhensif, qui n'est pas sans rappeler celui qu'il campait dans l'excellent récit d'initiation Une colonie.
La mise en scène expressive et colorée joue sur le montage, soulignant en rouge des mots et des phrases comme chez Jean-Luc Godard, mettant l'accent sur la trame sonore, de très belle tenue. Enfin une création cinématographique qui souligne le génie musical de Mercury Rev! L'ennui trop souvent généralisé de la protagoniste a cependant tendance à se répercuter sur le rythme, quelque peu défaillant.
Sans doute plus tourné vers le passé que le présent (et plus précisément vers les années 80, cette période de films qui ont servi d'inspirations comme The Breakfast Club, L'effrontée et The Karate Kid qui devient le sujet d'un savoureux hommage), Jeune Juliette est un agréable exutoire de la part d'Anne Émond. Vivement toutefois qu'elle propose quelque chose de plus substantiel et original comme Nuit #1, son premier long métrage qui demeure, encore à ce jour, son meilleur effort.