Les documentaires québécois sont nombreux à prendre l'affiche au cinéma en cette rentrée automnale. Le plus percutant est sans aucun doute Je vous salue salope: La misogynie au temps du numérique de Léa Clermont-Dion et Guylaine Maroist.
L'essai s'attaque à un brûlant problème de société : la cyberviolence dont souffrent quotidiennement des milliers de personnes sur la planète. Un large sujet qui aurait pu s'éparpiller et qui suit comme fil conducteur l'impact de cette haine sur la vie des femmes.
La démonstration ne manque pas d'ébranler tant les insultes fusent de toutes parts et qu'elles ne sont pas censurées à l'écran. Entre les menaces de viol et les appels au meurtre, le récit s'apparente à un véritable thriller horrifique, anxiogène et tendu, qui tient allègrement en haleine.
Le film choral suit quatre destins infernaux de femmes courageuses qui vivent au Québec, aux États-Unis, en France et en Italie. Deux politiciennes, une comédienne et une étudiante en enseignement qui sont prises en grippe par des hommes pour s'être exprimées dans l'espace public.
Complexe et bien vulgarisé, le long métrage fait le tour de la question sans se défiler, se demandant pourquoi ces histoires cauchemardesques sont souvent banalisées (même des autorités) et pour quelles raisons les réseaux sociaux ne sont pas mieux encadrés. Il y a même la soeur de Mark Zuckerberg qui vient témoigner.
L'ensemble bénéficie également de l'éclairage d'experts et de l'expérience probante de Léa Clermont-Dion, une autrice dont la thèse de doctorat portait sur les discours anti-féministes en ligne au Québec et une figure publique qui rappelle que le harcèlement sexuel ne demeure pas toujours impuni.
Un sujet important ne fait évidemment pas tout et Je vous salue salope s'avère certainement le projet le plus cinématographique de la cinéaste Guylaine Maroist, qui a notamment coréalisé par le passé Jukebox et Expo 67 mission Impossible. Un soin appréciable a été apporté au rythme et au montage, alors que les mélodies entêtantes et obsédantes peuvent parfois rappeler celles de Philip Glass.
L'effort ne manque cependant pas de manipuler, voulant faire réagir à tout prix. Autant au niveau de l'indignation en créant une multitude de frissons (quelques élans esthétiques s'avèrent plus discutables) que sur le plan de l'émotion en ouvrant un peu maladroitement la vanne lacrymale. L'inclusion d'un père éploré dont la fille s'est suicidée n'est pas étrangère à tout ça. La noirceur est telle que le spectateur a rapidement le goût de renouer avec la lumière.
Au-delà de ces considérations, Je vous salue salope: La misogynie au temps du numérique attirera l'attention pour son sujet coup de poing et universel qui n'épargne rien ni personne. Le documentaire est tellement efficace et enrageant qu'on risque davantage d'être happé par sa démarche vertueuse que sa redondance et son manque de subtilité. C'est en abordant de front cette épineuse thématique qu'on sensibilise la population aux effets dévastateurs de la cyberviolence. En espérant que l'impact du film soit tel qu'il forcera les instances gouvernementales à réagir.