Le cinéma comme outil thérapeutique? Voilà une des vertus de Je verrai toujours vos visages, un film empathique qui fait le plein d'émotions.
La dernière fois que l'on a eu des nouvelles de la cinéaste française Jeanne Herry, c'était avec Pupille, un long métrage bouleversant sur le processus d'adoption. Si elle change cette fois de sujet, le traitement humaniste, lui, demeure intacte.
La fille de la comédienne Miou-Miou et du chanteur Julien Clerc s'intéresse cette fois à la Justice Restaurative, un processus socio-judiciaire développé au Québec où des victimes et des auteurs d'infractions sont réunis dans un environnement sécurisé afin de discuter. Bien entourés, ces hommes et ces femmes parlent en toute liberté, dévoilant ce qu'ils ont sur le coeur, tentant de comprendre la personne devant elle. Une façon de créer des ponts qui peut donner des résultats insoupçonnés.
En libérant la parole, le scénario fait oeuvre utile. Il peut compter sur une recherche exemplaire qui analyse en profondeur les rouages des traumas et de l'anxiété. Le récit avance de façon empirique, au fil de répétitions, afin de développer le terrain propice aux rencontres ou de préparer les victimes. Face à un terrain miné, il est si facile d'ouvrir à nouveau la boîte de Pandore.
Avec une telle matière vive, il aurait été aisé de forcer l'émotion. Cette manipulation des sentiments se fait moins ressentir ici que sur Pupille, coulant de source, arrivant à bon port. S'il sera difficile de garder les yeux secs avant la fin, l'ensemble est porté par un regard tendre et bienveillant qui fait un bien fou.
Le principal défi d'un long métrage aussi verbeux est de rendre cinématographique tous ces échanges. Pour y arriver, il faut compter sur un rythme souple, une caméra toujours posée au bon endroit... et une confiance aveugle envers les dialogues. Car il y aura rarement une recréation pour appuyer les mots. Au contraire, tout se joue au niveau des regards et de la voix. Un exercice de haute voltige qui rappelle l'importance des champs-contrechamps dans le développement de la tension et de l'émotion.
Cela permet également aux individus de prendre de l'épaisseur et de la complexité. Un terrain de jeu qui permet aux comédiens de se surpasser. Ils sont tous excellents, d'Adèle Exarchopoulos à Dali Benssalah dans des rôles plus importants, en passant par Leïla Bekhti, Gilles Lellouche, Miou-Miou, Élodie Bouchez et Jean-Pierre Darroussin. S'il y a sans doute trop de personnages, chacun possède son importance. Et ils peuvent évoluer au sein d'une mise en scène simple et complexe à la fois, où un fluide montage parallèle dynamise ce qui aurait pu être un film choral comme les autres.
Puissante et déchirante, Je verrai toujours vos visages est une oeuvre chargée qui ne laisse pas indemne. Un petit film miracle qui permet à la fois de mieux saisir l'Autre et de réparer les vivants.