Six années après son immense succès La famille Bélier, le cinéaste Éric Lartigau signe avec #JeSuisLà un nouveau feel-good movie qui ne possède toutefois pas le même impact.
Les charmes nostalgiques de la campagne et de cette France d'antan laissent leur place à la technologie de la modernité, alors qu'un restaurateur (Alain Chabat) décide de tout lâcher pour s'envoler vers la Corée du Sud rejoindre son âme soeur rencontrée sur les réseaux sociaux. Évidemment, rien ne se déroule comme prévu...
En confrontant réel et virtuel, cette comédie existentielle questionne notre rapport au monde et aux autres, remontant aux sources de ce qui est vrai. La vie passée à travailler n'est qu'une illusion ou il faut s'affranchir des mensonges ambiants et profiter du temps qu'il reste avant qu'il ne soit trop tard? Voici une des nombreuses interrogations que pose cette fable qui serait inspirée d'un fait divers véridique.
Dommage que les réponses, simplistes au possible, déçoivent par leur superficialité et leur naïveté. La laborieuse entrée en matière présente quelques individus stéréotypés autour d'un héros qui aspire mettre un peu de pep dans son quotidien. Il a tôt fait d'apparaître que le scénario lui balance en pleine gueule de lourds poncifs. On image déjà une version de ce chaos où les mots réduits à zéro permettent de mieux apprécier les splendides paysages - faut-il rappeler que la beauté est partout? - et les fines compositions musicales des frères Galperine (Faute d'amour).
Pas surprenant alors que notre protagoniste veuille se faire voir ailleurs afin de tâter un peu de bonheur et de quiétude. Sauf qu'une surprise de taille l'attend en débarquant à Séoul et il refuse de quitter l'aéroport, comme l'avait fait Tom Hanks avant lui dans Terminal. Ce rebondissement offre la possibilité au réalisateur de soutirer le meilleur du huis clos, autant au niveau des situations souvent saugrenues que de l'humour où l'on sourit enfin. Le rythme si indolent jusque-là permet au long métrage de finalement prendre son envol. Même la mise en scène s'en voit bonifiée, transformant peu à peu la solitude du personnage principal en un désir de communiquer avec l'autre, l'étranger. Pas besoin de connaître la langue de l'inconnu pour créer un contact. Il faut seulement aller à sa rencontre.
Cela devient encore plus palpable lors de la dernière ligne droite du récit, qui présente la Corée loin de la violence malsaine des Bong Joon-ho et autres Park Chan-wook. Il faut plutôt se tourner vers le cinéma réconfortant de Hong Sang-soo afin d'inscrire cette errance mélancolique arrosée de Soju. Malheureusement, les clichés culturels et le syndrome de la carte postale tendent à reprendre le dessus, troquant la profondeur pour la légèreté en laissant les leçons collantes et moralisatrices triompher.
Au moins, on pourra toujours compter sur Alain Chabat pour amuser la galerie lorsque l'intrigue piétine et que les développements laissent à désirer. Sur une belle lancée depuis Les gamins et Réalité, l'acteur parvient à la fois à être drôle, attachant, sobre et sincère. C'est la troisième fois que Lartigau le dirige et il sait soutirer le meilleur de lui. Quelques irrésistibles séquences physiques rappellent, l'espace d'une seconde ou deux, le grand Jacques Tati.
Film sur les secondes chances qui offre un peu de rires, de romance et de gentils drames familiaux, #JeSuisLà demeure un objet attendrissant, mais ô combien prévisible, affublé d'un propos appuyé et noyé de bons sentiments. Il y avait pourtant matière à de belles choses à discuter de la vacuité de l'existence, surtout en présence d'une photographie aussi soignée et d'une vedette entre de bonnes mains. Sans doute que cela aurait plus facile avec une oeuvre moins bancale et artificielle.