Gentil feel-good movie qui allie rires et pointes de drames sans la moindre prétention, Jalouse en mettra plus d'un de bonne humeur.
Ce n'est pourtant pas la joie dans l'existence de Nathalie (Karin Viard). La cinquantaine lui fait perdre la tête, elle qui devient jalouse maladive de sa meilleure amie, de son ex, d'une nouvelle collègue de travail et même de sa propre fille!
La crise de la cinquantaine est un sujet dans l'air du temps au sein du cinéma français, que ce soit dans le serein Aurore ou le jubilatoire Un beau soleil intérieur de Claire Denis. Ce thème trop souvent tabou où la société pousse des femmes à être complexées est traité ici avec timidité, le script optant pour une franche rigolade plutôt qu'une fine analyse de ses rouages. De quoi ressentir une certaine frustration d'être ainsi passé si près de l'essentiel, alors que l'aspect psychologique et le passage vers le thriller ne convainquent pas totalement.
Moins sensible, charmant et émouvant que le précédent long métrage des cinéastes (La délicatesse, cet autre portrait de femme où l'héroïne s'appelait également Nathalie), Jalouse n'en demeure pas moins plus mordant, plus hilarant. La réalisation trop sage de l'écrivain David Foenkinos et de son frangin Stéphane permet au texte de briller et aux situations de décaper. Un quiproquo ne prend pas de temps à déraper et les allusions savoureuses à se multiplier comme des lapins. Pensons seulement à cette danseuse de ballet allergique aux noix qui décide de s'appliquer à Casse-Noisette...
La farce n'aurait pas la même saveur sans la présence de Karin Viard. L'immense actrice qui arrive à la fois à être à l'aise chez Dany Boon qu'auprès des frères Larrieu porte le long métrage sur ses épaules. Elle est pratiquement de toutes les scènes, trouvant son rôle le plus satisfaisant depuis des lunes. Son personnage est suffisamment complexe pour être pris au sérieux et malgré toutes les vacheries qu'elle dit ou fait subir à son entourage, on finit presque par tout lui pardonner. Un tour de force qui n'était pas donné à tout le monde, et qui lui permet de renaître en passant de la noirceur à la lumière (cette séquence tardive dans le cimetière est ravissante).
L'exquise comédienne est entourée de solides interprètes (Thibault de Montalembert, Anaïs Demoustier, Bruno Todeschini) que l'on voit trop peu. Dara Tombroff s'avère une belle révélation en progéniture impeccable et on se plaît à redécouvrir notre Anne Dorval sous un jour nouveau : cette fois dans la peau de la meilleure amie de la protagoniste. Après le bouleversant Réparer les vivants, la muse de Xavier Dolan continue à se frayer un chemin dans le septième art français, ne maîtrisant pas toujours son accent, mais ne s'en laissant pas imposer pour autant. Elle possède un humour similaire à Viard, formant un duo irrésistible sans toutefois se faire éclipser par sa comparse. Au contraire, elle possède suffisamment de moments pour la remettre à sa place à l'aide de dialogues doux-amers.
Jalouse désamorce la gravité de la situation à l'aide d'une légèreté qui lui va comme un gant. Trop gentil et prévisible, le récit a toutefois le mérite d'égayer et de présenter une Karin Viard en pleine possession de ses moyens. C'est elle qu'on gardera en tête après le générique et qui, finalement, mettra un baume sur nos blessures et cicatrices du passé, sur cette satanée peur de vieillir.