Huit années après son jubilatoire Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson renoue avec l'animation par l'entremise de Isle of Dogs, une oeuvre encore plus maîtrisée.
Comment peut-on ne pas aimer Wes Anderson? Il cache sans cesse ses thèmes sombres derrière sa légèreté ambiante et sa mise en scène virtuose est immédiatement reconnaissable avec sa foisonnante palette de couleurs et ses obsessions pour les plans horizontaux.
Dans son nouvel opus Isle of Dogs, il traite de la tyrannie de la classe dominante, de xénophobie et de l'armement par l'entremise d'un maire qui décide d'envoyer des chiens malades sur une île déserte! Des allégories qui font froid dans le dos et qui rejoignent les préoccupations du monde actuel.
Le cinéaste y arrive en privilégiant la désinvolture, la simplicité et la bonne humeur. Reprenant à son compte le canevas de son délicieux Moonrise Kingdom, la quête principale est celle de valeureux chiens abandonnés qui tentent d'aider un garçon de 12 ans à retrouver son animal de compagnie et de retourner à la civilisation. Le schéma a beau être connu et la conclusion prévisible, l'odyssée ne manque pas de surprises et de gags incroyables.
À l'image de Rushmore et compagnie, le charme et l'humour passent principalement par la qualité des dialogues, qui fondent littéralement dans la bouche. C'est là que sort par inadvertance un propos hallucinant ou une phrase qui deviendra culte. S'ils sont peut-être moins présents que d'habitude (la mélancolie prend une place prépondérante), quelques joyaux méritent d'être entendus. Comme toujours, les plus grands noms se succèdent pour dire un mot d'esprit ou deux, étant déjà dans la famille du réalisateur (Bill Murray, Edward Norton, Jeff Goldblum, Frances McDormand, Harvey Keitel, Tilda Swinton) ou étrangers (Bryan Cranston, Greta Gerwig, Liev Schreiber, Scarlett Johansson).
Le soin vocal constant doublé d'une trame sonore plus qu'appropriée d'Alexandre Desplat s'amalgament favorablement à l'univers en place. L'action se déroule dans un Japon rétro-futuriste qui ne manque pas de charme. L'animation variée - c'est principalement du stop-motion - qui inclut quelques estampes soignées (on se croirait parfois devant la version de 1958 de The Ballad of Narayama) en rendra béat plus d'un.
Si Coco offrait un hommage senti à la culture mexicaine, ce long métrage fait la même chose envers la culture nipponne, utilisant sa langue, son univers et ses références. Il y a beaucoup de Kurosawa (les Sept samouraïs pour le clan canin, des emprunts musicaux et divers clins d'oeil) et aussi du Miyazaki dans la façon de respecter la nature. La fluidité entre les personnages et les paysages offre une manière différente d'aborder l'existence, certainement plus lente et peuplée de silences - quelques spectateurs risquent de s'ennuyer - mais au final plus gratifiante.
Sans être du même calibre que The Grand Budapest Hotel et The Royal Tenenbaums, Isle of Dogs est une véritable merveille, mignonne et émouvante, qui ne pouvait qu'être réalisée par Wes Anderson. Il est difficile de ne pas vouloir se perdre dans cette aventure qui regorge de détails, de rires et de tendresse. C'est ludique et songé à la fois, un peu austère par endroits, mais rien pour effrayer les cinéphiles, bien au contraire. La Berlinale a été conquise - le film a remporté l'Ours d'argent du meilleur réalisateur - et on risque d'en réentendre parler jusqu'aux Oscars l'année prochaine...