Entre le drame historique et le portrait, Il y aura du sang est une oeuvre colossale qui naît de la rencontre au sommet de Paul Thomas Anderson, le réalisateur de Magnolia, et de Daniel Day-Lewis, le moustachu anglais le plus fascinant d'Amérique. Deux individus au grand talent déjà maintes fois confirmé, qui sont ici au faîte de leur art à travers l'étude prophétique du tout-puissant rêve américain. Une acuité de l'observation et une complétude des thèmes (religion, profit, famille) élèvent Anderson au rang de témoin privilégié de son époque qui inspire la déférence.
Daniel Plainview dirige, avec son fils H.W., une entreprise d'exploitation pétrolière. Fin manipulateur, il achète à rabais les terres de fermiers de la Côte Ouest pour en extraire l'or noir et le revendre à gros prix. Quand il apprend qu'un important gisement dort sous Little Boston, un village reculé, il se rend sur place et débute le forage. Mais il devra y affronter le prophète de l'endroit, Eli Sunday, qui y tient sa propre église et qui voudrait bien convertir les travailleurs à la cause divine.
Le succès de Plainview vient de son travail acharné et de sa sensibilité pour les préoccupations profondes des Américains. Il se sert de son fils pour placer son projet du bon côté de la moralité et, même s'il n'est pas particulièrement pieux, ferait n'importe quoi pour atteindre ses objectifs. Sa déchéance personnelle ne nuit pas à ses projets commerciaux, et ses aveux dévoilent enfin toute la laideur d'un misanthrope complexe, examiné avec minutie par Anderson. Les nombreuses couches et personnalités qui font des personnages du film des humains crédibles rendent l'histoire encore plus passionnante.
Daniel Day-Lewis, immense dans le rôle principal, offre la même abnégation à son personnage qu'à ceux de ses plus grands rôles; il est d'une efficacité remarquable avec sa voix vibrante et son jeu corporel incarné qui rappelle, il est vrai, Les gangs de New York. Cependant, Paul Dano, dans le rôle du prophète Eli, impressionne encore davantage; après La fille d'à-côté et Little Miss Sunshine, son travail est tout simplement remarquable et il s'agira d'un scandale s'il ne rafle pas tous les prix pour dans la catégorie « meilleur acteur de soutien ». Déjà de tenir tête à Day-Lewis dans plusieurs puissantes confrontations, dont cette brillante scène du baptême, est un tour-de-force, tirer son épingle du jeu tient du génie.
L'extraordinaire trame sonore de Jonny Greenwood (guitariste de Radiohead) contribue aussi grandement à l'efficacité de ce projet plus grand que nature, bercé par une poésie brutale et un humour noir féroce qui envahissent l'écran. Chaque photogramme est visuellement impeccable, la caméra est présente dans l'action jusqu'à être salie et la musique ajoute subtilement un impression irrépressible de danger ou une émotion aussi cruelle que belle.
Anderson sort des sentiers battus par son Boogie Nights ou son Punch-Drunk Love, pour présenter un film d'auteur américain dans ce que l'expression a de plus simple, comme une vision lucide de l'intérieur de l'Amérique. Il y aura du sang est plus que le titre du film, c'est une promesse, c'est un incontournable, comme si pour qu'un individu réussisse il fallait absolument qu'un autre paie le prix à sa place.
Entre le drame historique et le portrait, Il y aura du sang est une œuvre colossale qui naît de la rencontre au sommet de Paul Thomas Anderson, le réalisateur de Magnolia, et de Daniel Day-Lewis, le moustachu anglais le plus fascinant d'Amérique. Deux individus au grand talent déjà maintes fois confirmé, qui sont ici au faîte de leur art à travers l'étude prophétique du tout-puissant rêve américain. Une acuité de l'observation et une complétude des thèmes (religion, profit, famille) élèvent Anderson au rang de témoin privilégié de son époque qui inspire la déférence.