Certains films de Quentin Tarantino sont plus accessibles que d'autres. Celui-ci ne fait certainement pas partie de ses oeuvres les plus simples. Les cinéphiles purs et durs, les vrais invétérés, ceux qui ont baigné dans le western spaghetti et qui connaissent la culture hollywoodienne de l'époque seront emballés par la proposition arrogante, déjantée et malicieuse de Tarantino. Pour les autres, il faudra se rabattre sur l'extraordinaire performance des acteurs principaux pour se sentir un tant soit peu concerné par cette production qu'on pourrait qualifier de nichée.
Ceux qui ne pourront pas comprendre les références à The Green Hornet ou l'impact des massacres perpétrés par les disciples de Charles Manson sauront tout de même saisir l'acuité des dialogues de Tarantino - un maître dans ce domaine - et la qualité de ses personnages. Leonardo DiCaprio livre une brillante et touchante performance sous les traits de cet acteur sur le déclin qui aime profondément son métier, mais c'est Brad Pitt, dans le rôle d'un cascadeur dévoué, qui épate le plus. Ce dernier, désormais âgé de 55 ans, démontre ici toute l'étendue de son talent. La subtilité et l'intensité de son jeu nous émeuvent autant qu'elle nous déconcerte. L'Oscar est à sa portée; il n'aura qu'à tendre le bras en février prochain.
Sans surprise, d'un point de vue esthétique, Quentin Tarantino nous en met plein la vue grâce à des mouvements de caméra savamment calculés et une intense luminosité. Sa trame sonore, brillamment échafaudée, nous transporte agilement à cette époque où la télévision commençait à intimider le cinéma. Le réalisateur s'est fait plaisir en tournant ce film, c'est évident. Malheureusement, à certains moments, on sent qu'il l'a fait davantage pour lui que pour les spectateurs. On se sent parfois délaissé au profit d'une mélancolie dont on ne saisit pas nécessairement l'essence. Il y a aussi une certaine répétition en fin de parcours qui agace. Il faut savoir que le film dure quand même 2h41. Tout n'est pas d'une pertinence immaculée.
Reste que Once Upon a Time in Hollywood (un titre faisant évidemment référence au cinéma de Sergio Leone) contient des scènes qui pourraient bien passées à l'histoire. Cette séquence lors de laquelle Brad Pitt casse la gueule du jeune Bruce Lee vaut le détour tout comme cette magnifique scène entre la jeune Julia Butters et un DiCaprio à fleur de peau. Comme il est coutume dans le cinéma de Tarantino, on retrouve aussi une violence inouïe qui confond le spectateur. Celle-ci est bien moins présente dans Once Upon a Time in Hollywood que dans d'autres de ses oeuvres, mais son ampérage et sa force de frappe dépassent celui de plusieurs. Tarantino arrive à nous faire sourire dans des moments où le sang coule à flots et les cris de douleurs résonnent, ce qui n'est pas donné à tout le monde... et heureusement parce que cette dichotomie fait de son cinéma un phénomène.
La comédie noire s'avère certes lourde à certains moments, mais elle propose une histoire d'amitié sincère et des moments d'anthologie qui lui permettent de se démarquer. Les vrais fans de Tarantino - et d'autant plus ceux qui partagent les mêmes références que lui - se délecteront de cette ode grinçante au cinéma. Les autres passeront un bon moment, mais regretteront peut-être Inglourious Basterds et Django Unchained.