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Euthanasie générale.
Chez les Cronenberg on avait l’illustre père, David, précurseur et roi du body horror malgré quelques œuvres plus communes. Puis vint le fils, Brandon, apparu il y a quelques années sur un créneau moins gore mais avec des sujets tout aussi particuliers et dérangeants tels que les troublants « Possessor » et « Infinity Pool ». Et voilà que débarque la fille, Caitlin, avec une œuvre dystopique peut-être un peu plus sage et consensuelle que ses pairs masculins mais tout aussi originale. On sent que les univers qu’ils imaginent viennent du même cerveau familial. Ici le postulat mis en place est génial comme peuvent l’être ceux de série comme « The Leftovers » (et ses 2% de la population qui disparaissent) ou ceux de films tel que l’immense « Les Fils de l’homme » et les femmes qui ne procréent plus: on y voit l’humanité en proie à un effondrement proche à cause de la surpopulation et des changements climatiques. Pour tenter de résorber cela, chaque pays doit euthanasier 20% de sa population sur la base du volontariat contre rémunération. Dans ce contexte, un repas de famille où un père très riche a choisi de se suicider va tourner au vinaigre.
L’idée en elle-même n’est pas bête, presque évidente, au point qu’on se demande pourquoi personne n’y avait encore pensé. Et elle nous apparaît surtout très réaliste que ce soit dans la mise en place de ces mesures extrêmes que dans l’éventualité où une chose similaire arrive un jour. Caitlin Cronenberg s’éloigne donc de la science-fiction ou de l’horreur qui ont caractérisé les œuvres de sa famille pour quelque chose de moins organique mais de plus politique. On sent en effet ici la satire à la fois d’une humanité qui a préféré faire l’autruche avec les changements climatiques et les excès, mensonges et conflits d’intérêts des gouvernements avec leur collusion avec des entreprises privées. Ici c’est une société qui pratique l’euthanasie et collecte les corps, clin d’œil à peine masqué à la période Covid où les mesures arbitraires et complètement folles étaient dictées par des cabinets de conseil tandis que les profits issus de la pandémie allaient aux labos sans qu’il y ait de véritable raisonnement scientifique. On apprécie donc ce premier film qui tire à boulets rouges sur nos dirigeants en pointant déjà du doigt le totalitarisme sanitaire qu’on a pu vivre récemment ainsi que l’inaction climatique.
Visuellement, le « Humane » de miss Cronenberg a de la gueule. Son huis-clos dans ce manoir victorien est visuellement abouti. Et on apprécie le mélange plutôt réussi entre humour (très) noir et corrosif avec l’aspect thriller et une bonne dose de satire politique et sociale. Sur tous ces points c’est convaincant même si elle pêche sur certains aspects et tombe parfois dans les pièges du premier film. Par exemple, tous les comédiens ne sont pas toujours bien dirigés et certains en font trop (Jay Baruchel notamment). Mais, surtout, ce premier long-métrage ne développe pas sa fabuleuse idée de départ comme il le faudrait tout le long du film. Après un premier acte stimulant où ce futur proche et ces lois d’euthanasie volontaire sont expliquées, on aurait aimé que cette vision du futur et ses ramifications soient davantage creusées. La deuxième partie devient un petit jeu de massacre en famille certes efficace mais bien plus classique. Notons, l’excellente composition, presque burlesque, du collecteur incarné par Enrico Colentoni. « Humane » est donc une bonne petite surprise poil à gratter, inventive et bien vue mais qui aurait gagné à voir plus grand avec un tel sujet.
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