Hôtel Silence débute alors que le personnage de Jean (Sébastien Ricard), récemment divorcé, déclare de manière on ne peut plus limpide à sa mère (Louise Turcot) qu'il n'a plus le goût de rien.
Bien décidé à mettre fin à ses jours, l'homme met le cap sur un pays dévasté par la guerre, alors que les violences viennent à peine de cesser.
C'est dans ce contexte où la mort rôde depuis beaucoup trop longtemps que Jean veut disparaître sans laisser de traces, de façon anonyme.
Vous aurez compris que le point de départ du plus récent long métrage de Léa Pool n'est pas ce que nous pourrions qualifier de très joyeux.
Mais rassurez-vous, il y a bel et bien une lumière au bout de ce long tunnel.
Car lorsque Jean s'installe audit Hôtel Silence et commence à remettre certaines choses en état de marche, il se lie en même temps d'amitié avec les personnages qui y vivent et gère l'endroit, et accepte de les aider à remettre celui-ci sur pied en échange du gîte et du petit-déjeuner.
Sébastien Ricard incarne ce personnage calme en surface, mais ravagé à l'intérieur, avec toute la contenance voulue, s'imposant comme le reflet opposé des lieux qu'il investit et rénove peu à peu.
Dans une scène particulièrement forte, Jean passe tout près de mettre le pied sur une mine antipersonnelle. La stupeur émane aussitôt du regard de l'acteur, tandis que son personnage se fait rappeler sans détour que, pour bien des disparus, la mort n'était pas un choix.
Avant toute chose, l'adaptation de Léa Pool du roman Ör de l'autrice islandaise Audur Ava Ólafsdóttir porte sur la résilience et la reconstruction humaine, à grands coups de gestes anodins, mais dont l'impact croît sans cesse. Le tout sans tomber dans le piège facile du « quand on se compare, on se console ».
À travers le silence (que le film représente autant de façon littérale que dans la composition des personnages, le mutisme d'un enfant ayant vécu la guerre, et même la projection d'un film muet) et les espaces délaissés, délabrés ou semblant figés dans le temps, les protagonistes font part de leur vécu, tout en essayant de se situer par rapport à l'autre.
La décision de situer l'action dans un état fictif n'est pas non plus anodine, tout comme l'utilisation de la langue française, conférant un caractère beaucoup plus proche et tangible au conflit imaginé.
Si Léa Pool avait entamé l'écriture de son scénario bien avant le début des conflits qui retiennent toute l'attention médiatique depuis quelques années, le hasard aura voulu qu'Hôtel Silence nous soit proposé à un moment plus qu'opportun.
De l'ambiance mortuaire des premières scènes ressurgit peu à peu la vie, entre les efforts collectifs pour rebâtir quelque chose de valable, et la volonté de se dresser devant les « pilleurs de tombes ».
La trame dramatique d'Hôtel Silence suit une ligne droite et continue, sans interruption ni choc trop abrupt. Les mots d'ordre ici sont calme, empathie et chaleur humaine.
À travers les prestations sensibles et toutes en retenue de Sébastien Ricard et de la jeune Lorena Handschin, la cinéaste parvient à ses fins, décortiquant au passage le besoin criant de ses personnages de ressentir à nouveau certaines émotions.
Si le scénario demeure des plus prévisibles, il ne s'agit pas tant d'une préoccupation dans le cas présent. « L'important, ce n'est pas la destination, mais le voyage », semble nous murmurer Léa Pool, qui savait visiblement quel film elle voulait mettre en scène, et quel discours elle désirait prononcer.