Vilipendé à Cannes où il a tout de même mis la main sur le prix d'interprétation féminine, le long métrage allemand In the Fade a remporté le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère sans toutefois avoir été retenu dans cette catégorie aux Oscars. Un parcours plus qu'enviable pour une oeuvre qui ne manque pas de munitions... mais qui ne les utilise pas toujours de la bonne façon.
Le récit séparé en trois chapitres distincts suit la descente aux Enfers d'une femme (Diane Kruger) qui vient de perdre son mari et son fils dans un attentat à la bombe. Est-ce la faute du passé criminel de son époux ou l'acte de néonazis? Après avoir pleuré toutes les larmes de son corps (avec pluie à l'appui pour rendre encore plus lourd le mélo), elle se heurtera à l'incompréhension du système de justice, avant d'être tentée d'exercer sa propre vengeance.
L'histoire qui s'inspire de faits authentiques trouve allègrement écho dans le monde d'aujourd'hui. Du drame psychologique, le transfert se fait rapidement vers le thriller politique. Il ne s'agit plus d'un crime isolé, mais de la façon dont un pays et ses membres traitent ses minorités. Cela explique notamment cette conclusion désespérée, sans toutefois la justifier.
C'est là que le bât blesse et agace dans ce scénario de Fatih Akin, qui a toujours mis au coeur de ses créations sont double statut de réalisateur allemand mais d'origine turque. Ses écrits versent ici dans la simplicité outrancière, le manichéisme qui enlève toute crédibilité à l'ensemble. Les séquences au tribunal font sourciller tant elles manipulent à outrance le discours en place. On est loin d'Anatomy of a Murder d'Otto Preminger.
Cela ne peut donner qu'un dernier tiers typiquement hollywoodien et sensationnaliste, indigne du talent du cinéaste. Alors qu'il a déjà offert d'immenses opus par le passé comme Head-On et surtout le magistral The Edge of Heaven, Akin est sur une pente descendante. Ses trois derniers longs métrages n'ont d'ailleurs jamais été présentés en sol québécois. Son nouveau-né a beau susciter la curiosité par son sujet aussi brûlant qu'important, il ressemble parfois trop à un quelconque téléfilm qui comporte une photographie et une trame sonore un peu plus soignées que la moyenne du genre.
Quelle chance qu'il y ait Diane Kruger pour garder l'attention jusqu'à la fin! L'excellente actrice peut enfin jouer dans sa langue maternelle et elle trouve un de ses plus beaux rôles en carrière, un de ses plus justes. Elle est de presque tous les plans, fragile et forte à la fois, prête à se faire valoir lorsque les injustices lui éclatent au visage. Une prestation qui rappelle, en mode mineur, celle de Frances McDormand dans Three Billboards Outside Ebbing, Missouri. Les deux films sont des cris du coeur envers l'état déplorable des choses, bien qu'il y en ait un qui soit plus éclatant que l'autre.