Hochelaga, terre des âmes défraie les manchettes depuis tellement longtemps qu'on désespérait de voir un jour la bête. Entre sa présentation au TIFF, ses projections dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal et sa sélection par le Canada aux Oscars (où il n'a finalement pas été retenu), à peu près tout le monde semble l'avoir vu. Le voici enfin pointer le bout de son nez dans les salles de cinéma régulières. L'attente valait-elle la peine? Oui et non.
Oui parce qu'il s'agit d'une oeuvre de François Girard, un cinéaste extrêmement talentueux qui en met toujours plein la vue (rappelons-nous Silk). On ne pourra d'ailleurs pas rechigner sur la qualité de sa photographie, de sa direction artistique, de ses costumes et des maquillages. Le long métrage est superbe visuellement et il est agrémenté d'une très agréable trame sonore du réputé Terry Riley et de son fils Gyan. D'ailleurs, ses huit nominations aux prix Écrans canadiens (les Oscars du Canada) le sont pour des questions techniques. Plus important encore, le film retrace 750 ans d'histoire de Montréal en rappelant constamment l'importance des Premières Nations (ce sont les véritables héros du récit), en faisant appel à de nombreux acteurs autochtones et en utilisant plusieurs langues au passage.
Est-ce suffisant pour faire d'Hochelaga, terre des âmes un bon film? Non, parce que le long métrage n'est parfois rien d'autre que des Minutes du patrimoine en format cinématographique. L'histoire, ou plutôt les histoires tirées ne rendent pas justice à la grande Histoire en place, celle qui méritait ardemment d'être racontée. Comme dans le supérieur Violon rouge du même réalisateur, le procédé du film choral est utilisé. Sauf qu'au lieu de s'échanger un instrument de musique, les personnages issus d'époques variables gravitent autour d'une même terre. Il s'agit donc en fait de courts sketchs tissés mollement ensemble à l'aide d'un protagoniste qui développe une thèse de doctorat sur Montréal. Dès qu'il parle d'un objet en particulier trouvé dans le sol, le spectateur est plongé dans la période historique où se situe cet objet. Difficile de faire plus didactique.
Cette façon de composer et de monter n'est pas nouvelle pour Girard, qui l'a exploitée brillamment sur Thirty Two Short Films About Glenn Gould. Il a la patte moins heureuse ici, le grand responsable étant un scénario fignolé plus sommairement. Malgré des prestations honorables des comédiens (Samian, Emmanuel Schwartz, Sébastien Ricard... jusqu'à Vincent Perez en Jacques Cartier!), les différents courts métrages sont beaucoup trop... courts. Ils deviennent rapidement superficiels et ultimement inopérants. Surtout que le script est ponctué de dialogues empotés (les sermons de cet entraîneur de football sur «l'importance de ne pas se faire enlever notre terre») et de situations moralisatrices (le rappel incessant de renouer avec ses racines). Et lorsqu'on tient un moment réellement émouvant dont l'émotion ne provient pas d'une simple manipulation (l'avant-dernière fin fonctionne plutôt bien), il y a la conclusion qui vient beurrer épais avec ses visées spirituelles.
Peut-être que Hochelaga, terre des âmes était trop ambitieux et que le film aurait bénéficié de prendre la forme d'une fresque de trois, quatre ou cinq heures dans la lignée de celles de Bernardo Bertolucci ou de Lav Diaz, et pas seulement des emprunts mal assumés au cinéma de Terrence Malick. Le résultat final est beaucoup trop sage, lisse et conventionnel, remplissant son mandat sans faire de vagues, avec compétences formelles, mais non sans ennui et, pire que tout, une certaine indifférence. Il y avait évidemment matière à beaucoup plus.