Si Hitchcock n'abordait pas la vie du grand maître du cinéma éponyme - pour qui pratiquement tous les cinéphiles ont un certain degré d'affection - on en parlerait comme d'un film mineur, négligeable et inoffensif (tout le contraire de ses grands classiques, finalement). La réalisation monotone, style cinéma de dimanche après-midi, de Sacha Gervasi, simplifie outre-mesure la délicate question du point de vue du réalisateur en occultant simplement le problème; quel point de vue? quoi? de quoi parlez-vous? On est plus près ici de la comédie romantique de bord de plage que d'un film biographique sur le maître du suspense et l'un des plus grands réalisateurs de tous les temps.
Mis en images et en scène anonymement, le récit est donc le plus souvent sans véritable saveur, malgré quelques blagues un peu grivoises et Scarlett Johansson. Quelques scènes fortes en ressortent effectivement, mais elles ont plutôt à voir avec Hitchcock, l'homme, qu'avec le film dont il est question ici. Et elles ont tout à voir avec la truculence parodique d'Anthony Hopkins, ici aussi convaincant que possible dans un rôle qui frôle l'hommage improvisé. Tout à fait dans le ton du film, qui ne va jamais dans la description psychologique pour se concentrer sur une anecdote. Mignonne, mais une anecdote quand même.
C'est donc avec curiosité plutôt qu'avec intérêt qu'on suit le développement de cette intrigue mineure dans la vie d'une personnalité aussi majeure du cinéma : la femme d'Hitchcock va-t-elle tromper Hitchcock? Cela n'a pas grand intérêt lorsqu'on parle, en filigrane, de la création de Psycho. Le rapport de force inégal entre les enjeux est fatal au film; comment vivre pleinement un récit alors que c'est l'autre récit qui est fascinant? Comme Hitchcock n'a pas osé (il y a des dizaines de raisons pour le justifier) faire un véritable biopic sur son sujet, on nous sert plutôt une chronique qui, si elle est charmante, ne surpasse en rien les autres chroniques du même type.
Il n'est pas impossible que le problème provienne de cette admiration que l'on porte aujourd'hui à Alfred Hitchcock, car elle sous-entend plusieurs déclinaisons de la question « Comment? ». Comment le représenter? Comment souligner son apport au cinéma? Comment traduire l'amour et le respect que lui portent apparemment les créateurs d’Hitchcock en éléments cinématographiques? Lorsque la réponse à ces questions est « Je ne sais pas. », cela donne un film aussi mineur, aussi peu enclin à prendre des risques qu'Hitchcock. Le résultat est donc aussi moyen que possible.