Alors qu'on vient à peine d'arrêter de faire des cauchemars avec A Quiet Place que prend l'affiche Hereditary, un nouveau drame horrifique qui en laissera plus d'un éveillé, tard la nuit.
Surtout que c'est encore une fois la sphère familiale qui est ébranlée et prise d'assaut. La mort de grand-maman sème l'émoi chez ses proches, qui hallucinent allègrement sa présence. Une ombre inquiétante qui risque de devenir une véritable menace... mortelle.
Projeté à Sundance plus tôt cette année, Hereditary a rapidement été accolé de l'étiquette « l'Exorciste du 21e siècle ». De quoi créer des attentes irréalistes que ne pourra jamais combler cette production qui, sans être du même calibre, possède un réel potentiel entre ses mains. Particulièrement lorsqu'elle nage dans les mêmes platebandes que l'immense Don't Look Now de Nicolas Roeg.
L'intelligence du récit est de se jouer des clichés - les traumatismes du passé, cette maison menaçante, la traditionnelle communication avec l'au-delà, ses personnages possédés - en s'offrant des échappatoires rafraîchissantes, aussi originales qu'efficaces. Les conventions sont ainsi constamment remise en question lors de moments qui donnent froid dans le dos. Sans doute que The Conjuring s'en inspirera pour leur éventuel troisième tome.
Bien que l'ensemble demeure assez prévisible et que la métaphore à la Babadook sur la maladie mentale s'avère élémentaire, un combat constant s'opère entre le réel et la chimère. Les souffrances psychologiques du deuil se matérialisent par le fantastique et le surnaturel, qui prennent racine subtilement avant d'envahir progressivement l'écran jusqu'à semer des doutes sur ce qu'on voit. Surprise : le long métrage continue lorsqu'il se termine généralement dans les autres films, apportant un lot de questions supplémentaires lors d'une conclusion épique et fascinante, dans la lignée de Wicker Man.
Inconnu au bataillon, le réalisateur et scénariste Ari Aster sait éviter les effets-chocs faciles et les sursauts gratuits. Sa mise en scène est solide à défaut d'être impeccable (ce n'est tout de même pas The Witch), utilisant tout ce qui lui tombe sous la main pour soigner et nourrir davantage son atmosphère, son ambiance. Le recours à des modèles réduits des différentes situations où sont plongés les personnages ne peut que faire frissonner, tout comme la musique hypnotisante du saxophoniste Colin Stetson. C'est généralement suffisant pour faire oublier la trop longue durée de l'entreprise, les quelques baisses de régime et un script inutilement explicatif.
Au-delà de ces considérations techniques se trouve la brillante performance de Toni Collette en mère éplorée. La grande actrice trouve un de ses plus grands rôles en carrière, suscitant à la fois la pitié, l'empathie et la crainte, notamment lors d'une séquence où elle est filmée comme Sissy Spacek dans Carrie. Vivement une nomination aux Oscars! Elle est entourée d'excellents comédiens, dont le troublant Alex Wolff, la terrifiante Milly Shapiro et le toujours impeccable Gabriel Byrne.
On ne ressortira pas indemne de Hereditary, véritable catharsis des maux qui se terrent au plus profond des individus et qui n'attendent qu'à exploser. Les amateurs du genre seront comblés et l'effort risque même d'intéresser le cinéphile qui passe généralement son chemin devant ce type de proposition cinématographique. Il faudra toutefois faire attention à cette intensité qui surgit ici et là, hantant longtemps après la fin du générique.