J'avoue que j'avais peur, avant même d'entrer dans la salle pour le visionnement d'Henri Henri, qu'on nous présente un pastiche d'Amélie Poulain. Bien sûr, il n'y a pas que Jeunet qui s'est donné dans le mélange de fantastique et de réalisme au cours de ces quinze dernières années, mais il n'y a que lui, ou presque, dont on se souvient vraiment. Malheureusement, Henri Henri sera l'un de ceux que nous aurons oubliés dans dix ans d'ici.
Il faut par contre avouer que, même si on sent les influences, l'idée de Talbot de présenter un homme simple dont le travail est de remplacer les ampoules brûlées et ainsi mettre de la lumière dans la vie des gens en était une très inspirante, autant pour l'auteur que pour le spectateur. Henri devient rapidement attachant pour le public, qui est alors disposé à se laisser entraîner dans son allégorie. Ce n'est donc pas les fondations de ce projet qui font défaut, puisqu'en plus d'être séduisantes, elles démontrent une audace transcendante (même si les inspirations sont évidentes).
On peut donc croire que le contenant, que l'histoire et la manière dont on nous l'amène, obscurcit le résultat final. Henri Henri choisit de surexpliquer beaucoup. On comprend l'environnement naïf dans lequel on se trouve, mais on aurait souhaité que le scénariste nous laisse interpréter davantage. La fantaisie permet ce genre de débordement fertile et ici, on ne nous laisse pas divaguer, on nous explique, puis nous réexplique (à grands coups de retours en arrière et de rappels visuels), pour s'assurer que nous allons tous dans la même direction. Une décision raisonnable, qui ne concorde pas avec l'enchantement qui semble vouloir émerger de la production québécoise.
Les évènements loufoques se multiplient dans Henri Henri, au grand plaisir de son public. Le roi des cornichons qui perd progressivement la mémoire et qui ne se rappelle plus de la recette qui a fait sa réputation, ou la fête qu'on organise pour les 110 ans d'une ampoule électrique, ou l'Indien qu'Henri prend pour un génie issu d'une lampe magique, mais qui n'est en fait qu'un ingénieur électrique en attente de son visa, sont d'un burlesque assumé et drôlement efficace. La musique prend aussi une place prépondérante dans Henri Henri. Elle est sciemment intégrée au récit pour ajouter une touche supplémentaire de magie. Avec toutes ces couches différentes de fantaisie, le film aurait pu être trop surréel pour accrocher son public, mais il fait preuve de beaucoup d'humanité ce qui compense amplement pour ses nombreuses envolées lyriques.
Au final, on est aussi en droit de se demander à qui s'adresse une production comme celle-ci. Peut-être des nostalgiques qui regrettent une vie plus simple, et une époque révolue (parce que bien qu'on ne place l'histoire dans aucune période temporelle, on peut comprendre, grâce à certains indices visuels, que l'action se déroule quelque part dans les années 1950), ou peut-être des romantiques assumés qui se commettent spontanément à ce type de fantaisie objective.
Henri Henri est une admirable tentative de faire un cinéma diversifié et coloré. Malheureusement, c'est rarement le « bel effort » qu'on récompense... Ni celui qui fait fortune au box-office...