La mode, au cinéma, est à l'hybridation des genres : westerns de science-fiction, films de super-héros comiques, drames parodiques, etc. Mais voilà qu'Hasta la vista, du réalisateur belge Geoffrey Enthoven, propose un mélange assez inhabituel entre le « road movie » et le drame d'handicapés. Proposition déjà intéressante qui s'avère particulièrement juste dans les émotions qu'elle parvient à créer dans ce mélange d'inédit et de convenu qui a un merveilleux ton et une délicieuse intelligence.
Ce qui étonne d'abord, c'est la qualité de l'introduction, de la mise-en-place. L'intelligence du réalisateur lui permet, grâce à une accumulation de petits détails signifiants, de définir efficacement ses personnages : le leader, le débonnaire et l'idéaliste, Philip, Jozef et Lars, des handicapés qui sont - en dehors de ce léger détail - des hommes comme les autres : avec leurs qualités et leurs défauts, avec leurs désirs aussi. Pas question pour eux de mourir puceaux. Ils organisent donc un voyage, de la Belgique jusqu'en Espagne, afin d'aller dans un bordel qui accueille les « gens comme eux ». On se doute bien que le voyage ne sera pas de tout repos.
On retrouve dans cette histoire toutes les émotions attendues : du rire, bien sûr, de voir ces hommes décidés à atteindre leur but mais incapables d'y arriver seuls - et ce, malgré un humour relativement prévisible - mais aussi des larmes, de les voir aussi anormalement normaux. On comprend aisément leur objectif et on voudrait bien qu'ils l'atteignent, mais disons que les solutions sont assez limitées. Le film, d'ailleurs, s'en ressent; s'ils veulent atteindre leur but, il faudra que tous les éléments tombent en place, comme par magie : une infirmière/chauffeure/ex-détenue qui s'avère particulièrement dévouée, des parents gentils et compréhensifs, de l'argent et un peu de chance aussi. Mais l'atmosphère est telle qu'on adhère sans trop de difficultés au postulat.
Le talent des trois acteurs principaux y est pour beaucoup, alors qu'ils incarnent des handicapés attachants mais qui ne sont pas « parfaits ». Le film s'applique à ne pas tout leur pardonner. Comme le dira d'ailleurs un personnage secondaire : être handicapé, ça n'excuse pas tout, ni la méchanceté ni l'impolitesse.
Il y a bien quelques longueurs, surtout dans le dénouement, qui gâchent un peu le rythme, mais en général, on apprécie de voir les trois héros profiter si simplement de leur voyage, d'être un peu heureux, pour un petit bout de temps au moins, alors qu'ils auraient toutes les raisons de ne pas l'être. On regrette aussi que de nombreux revirements du scénario soit si prévisibles (dites des méchancetés de quelqu'un dans une langue que vous croyez qu'il ne connaît pas, vous allez sans doute avoir un bien mauvaise surprise...) et que l'humour soit un peu redondant par moments.
Au final, Hasta la vista est un petit film qui a bien des prétentions. D'habitude, on salue l'inverse, le célèbre « sans prétention », mais cela s'applique plutôt mal à un film qui a l'audace de mettre en scène trois handicapés résolus, des amis imparfaits, dans un « road trip » tragi-comique à travers la France et l'Espagne. Le pari, c'était de le faire sans mélodrame. Et le pari est relevé.