Lorsqu'un film est capable, en moins de deux heures, de créer son propre univers, d'établir ses propres conventions et d'y faire adhérer le spectateur tout en le divertissant, on doit inmanquablement parler d'un succès, ou du moins d'un accomplissement notable. Hanna fait partie de ces oeuvres remarquables et audacieuses que l'on retrouve épisodiquement au coeur du cinéma américain. Grâce à un imaginaire flamboyant - mais accessible - le réalisateur nous plonge dans un monde féérique dénaturé, où la princesse est maintenant une tueuse sans pitié et la sorcière une agente gouvernementale tenace et cruelle. Au fil la narration, le film s'efforce - avec une grande compétence et une lucidité étonnante - à travestir nos modèles, à mettre en doute nos convictions et croyances avec une bribe d'insolence. La comptine qui nous a un jour entraîné paisiblement vers le pays des rêves est maintenant un psaume funèbre et le parc d'amusement qui est à l'origine de bien des souvenirs d'enfants nous est présenté comme un cimetière dans lequel on aurait enfoui nombre d'illusions débonnaires.
Saoirse Ronan est parfaite dans le rôle d'Hanna, une jeune femme qu'on a élevée loin de la civilisation pour qu'elle devienne une machine à tuer. L'actrice parvient à nous transmettre à la fois la fragilité du personnage et la force silencieuse - et parfois troublante - qui l'habite. Les mots sont futiles pour une interprète de son acabit, son regard magnétique et ses gestes mesurés témoignent bien davantage de la singularité de son personnage qu'un dialogue explicite ne saurait le faire. Eric Bana et Cate Blanchett livrent également une performance remarquable, de connivence avec l'atmosphère particulière qui domine le récit.
Bien que l'on aurait apprécié que les talents inhumains d'une fillette ne soient pas encore expliqués par des initiatives gouvernementales pour créer le soldat parfait, l'histoire que nous dévoile le film est tout de même passionnante et l'intrigue généralement bien ficelée. Mais malgré cette qualité narrative indéniable, la force de l'oeuvre réside principalement dans sa force visuelle et sonore. Un travail minutieux a été accompli dans l'image pour lui donner une personnalité, un rythme et une âme. L'harmonie des cadres, la rigueur dans le choix des couleurs et des textures, le montage à la fois instable et frénétique, sont tous des éléments essentiels qui donnent au long métrage sa singularité et sa redoutable efficacité. La musique et le son prennent également une place importante au sein de la production. Rien n'est laissé au hasard, les silences tout comme les mélodies ont une signification et un objectif qu'ils s'évertuent d'accomplir à tout instant.
Après avoir surpris critiques et cinéphiles avec Atonement (je décide ici d'omettre The Soloist), Joe Wright nous revient aujourd'hui avec une oeuvre supérieure, mémorable, qui saura blesser et à la fois cicatriser le coeur d'enfant des spectateurs. Déformer la réalité jusqu'à la rendre sombre, étrange, inquiétante est une mission audacieuse pour un cinéaste; le risque d'incompréhension y est bien plus important que dans une oeuvre plus conventionnelle et le fractionnement de l'auditoire est inévitable, mais Wright parvient à changer les axiomes jusqu'à nous faire adhérer à sa réalité. Vous ne verrez plus le conte de fées de la même façon.
Au fil de la narration, le films s'efforce - avec une grande compétence et une lucidité étonnante - à travestir nos modèles, à mettre en doute nos convictions et croyances avec une bribe d'insolence. Hanna fait partie de ces oeuvres remarquables et audacieuses que l'on retrouve épisodiquement au coeur du cinéma américain.
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