Rien ne tourne rond dans Greta, un film tellement incohérent qu'il en devient hilarant.
Cela s'annonçait comme une énième variation sur Fatal Attraction, où l'amitié a remplacé l'amour et le sexe. Souffrant de solitude, une veuve (Isabelle Huppert) se voit délaissée par sa nouvelle amie (Chloë Grace Moretz) qui la trouve trop intense. Alors elle se met à la harceler...
Puis cela se transforme en série B complètement absurde et grotesque, qui ne tient pas debout deux secondes. Comment unetelle arrive à se déplacer aussi rapidement en utilisant une technologie dont elle ignore le fonctionnement? Pourquoi celle-ci revient se mettre dans la gueule du loup pour un chien ou un mensonge de pacotille? Et pour quelles raisons ces hommes et ces femmes ne préviennent-ils absolument personne avant d'affronter le danger? Des invraisemblances qui surgissent encore et toujours.
Autant le scénario passe-partout cherche à faire de la psychologie dans sa première partie (en traitant de la solitude de la grande ville et des personnes qui vieillissent, de la difficulté de se remettre après le décès de maman), autant il envoie tout balader par la suite avec sa violence aussi soudaine qu'incontrôlable et ses misérables revirements de situations, où un rêve aboutit inévitablement dans un autre rêve.
On le sait depuis longtemps, Isabelle Huppert aime se mettre en péril, se transformant au gré des rôles souvent exigeants. Cela a donné ces dernières années des performances puissantes, notamment dans Elle et Madame Hyde. On ne peut que saluer son courage, elle qui vient à un cheveu ici de se ridiculiser avec ses crises hystériques. Son personnage, qui rappelle celui qu'elle incarnait dans La pianiste si Andrzej Zulawski l'avait réalisé plutôt que Michael Haneke, fascine et fatigue tout à la fois, mangeant tout cru la pauvre Chloë Grace Morez dont le registre de jeu varie entre la naïveté et la peur.
Le cinéphile s'attendait à plus du cinéaste Neil Jordan, qui a offert par le passé sont lot d'immenses opus comme The Crying Game et The Butcher Boy. S'il avait voulu saboter sa carrière, il n'aurait pas fait mieux. Le voilà se prendre pour un ersatz de Brian De Palma, faisant ressortir trop rapidement par ses effets gratuits de mise en scène que « quelque chose cloche ». Deux ou trois moments-chocs ne sont toutefois pas à jeter, surtout cette poursuite haletante où l'arme du crime est... Un cellulaire!
Pris au pied de la lettre, Greta sent le navet à plein nez. Il est tellement excessif et consternant qu'on finit cependant par rire à gorge déployée devant tout ce qui arrive. Le ridicule ne tue pas. Et lorsqu'on se retrouve devant Isabelle Huppert qui perd la tête, cela ne peut pas être complètement mauvais. Surtout si ce mauvais sait être amusant. Mais à très petite dose seulement.