Sorti plus tôt cette année, Super Mario Bros. Movie a ravivé un certain espoir. Oui, il est toujours possible d'adapter efficacement un jeu vidéo au cinéma. Le doute s'installe cependant à nouveau devant la déconfiture de Gran Turismo.
Cette transposition de la plus célèbre simulation de course automobile qui a fait les beaux jours de la PlayStation joue sur deux niveaux. Il s'agit dans un premier temps d'une publicité pour le jeu vidéo culte de Sony, qui apparaît ici comme distributeur. Des individus de partout sur la planète prennent le volant virtuel pour déterminer qui est le plus rapide à Gran Turismo. De cette infopub même pas déguisée, on passe à une nouvelle pub pour le Japon, une pour Nissan...
Au lieu d'une adaptation en bonne et due forme (façon Need For Speed), le script privilégie l'histoire vraie. Celle de Jann Mardenborough (Archie Madekwe), un fan invétéré du jeu qui a fini par devenir pilote au sein d'une véritable écurie de course professionnelle! Personne ne le prend au sérieux et le jeune Anglais doit prouver qu'il n'est pas là par hasard.
Le tout se transforme en récit d'apprentissage conventionnel où le négligé surprendra constamment son entourage. À force de persévérance, rien n'est impossible et les rêves demeurent à la portée de la main. Cela s'accompagne des traditionnelles scènes où le protagoniste semble évoluer à l'écran, qu'il devient un homme, trouve l'amour, apprend de ses revers pour devenir meilleur, etc. Rien de nouveau sous le soleil et l'effort ne tient pas la route face à des productions mieux huilées comme Ford v Ferrari.
La particularité de Gran Turismo est que malgré son sujet véridique, tout sonne faux. Les personnages sont rarement crédibles et Archie Madekwe (vu dans Midsommar) n'a pas l'étoffe des héros. Cela va déjà mieux du côté de David Harbour (Stranger Things), hilarant en ancien pilote reconverti en mécanicien, et d'Orlando Bloom (la trilogie Lord of the Rings), parfait en cadre marketing doté d'un visage à deux faces.
Le désir de soutirer de l'émotion sent la malhonnêteté à plein nez, principalement lorsqu'il est question d'une relation père/fils qui est loin d'être au beau fixe. Ce n'est pas en montrant une photo d'enfant, en rappelant un souvenir mélancolique et en incorporant une mélodie de Moby que l'on arrive à ses fins. Djimon Hounsou (Blood Diamond) s'avère un excellent acteur, mais même lui est incapable d'insuffler une profondeur à ce patriarche qui passe son temps à faire la morale.
Les situations semblent également tirées par les cheveux, étant évidemment romancées pour les besoins du cinéma. Cela ne pose pas de problème quand vient le temps de faire avancer l'intrigue ou de mettre de l'humour (l'apport de Kenny G et d'Enya est non négligeable). C'est toutefois plus problématique quand on change la chronologie des événements, utilisant un accident où un spectateur a perdu la vie pour devenir un important levier narratif. Or, cette tragédie bien réelle est survenue des années plus tard... De quoi remettre en question la valeur du scénario de Jason Hall (American Sniper) et de Zach Baylin (Creed III, King Richard).
Bien entendu, on peut prendre le long métrage pour ce qu'il est : un divertissement sans prétention et plein d'action. Encore là, les fans du jeu vidéo seront déçus des courses, plus redondantes qu'excitantes, dynamiques sans pour autant sortir réellement du lot. On est très loin de l'énergie contagieuse d'un Speed Racer. La présence du talentueux cinéaste Neill Blomkamp aurait pu amener cette plus-value qui fait toute la différence. Sauf qu'on est ici plus près de son regrettable Demonic que de son remarquable District 9. Il est incapable d'insuffler un style propre à cette proposition trop lisse. Surtout que tout le rapport de l'homme à la machine, si important dans Elysium et Chappie, manque à l'appel.
De quoi se retrouver avec une infopub générique et paresseuse qui ne prend aucun risque. Une insulte aux films de course en général (elle est loin l'époque de Grand Prix et Le Mans) et au jeu vidéo Gran Turismo en particulier.