Gran Torino est un film assez « intéressant ». Eastwood, qui représente l'Amérique mieux que quiconque à Hollywood, y aborde ses plus puissants thèmes, dont la religion, le racisme ou le port d'armes, sans pour autant reprocher quoi que ce soit à quiconque. Peu didactique ou moralisateur - du moins au début - le film s'en trouve renforcé. Ce personnage de vieux grincheux, xénophobe et méprisant, n'accepte pas les compromis, et le film ne semble pas s'en formaliser en le condamnant simplement (sans doute parce qu'Eastwood sait à qui il s'adresse, c'est-à-dire à des gens pris des mêmes défauts). Mais « intéressant » ne veut pas dire « réussi », et cette histoire de rédemption, qui a ses bons moments, demeure une oeuvre qui porte la signature de son auteur, une oeuvre mineure dans une filmographie confirmée.
Suite à l'enterrement de sa femme, Walt Kowalski s'enferme chez lui pour s'occuper de son gazon, boire de la bière et fumer des cigarettes. À l'arrivée de ses nouveaux voisins, des immigrants Hmong, Walt grogne sans grand éclat. Mais quand son jeune voisin Thao tente de voler sa voiture de collection, une Gran Torino 1972, pour être admis dans un gang, Walt décide de prendre son fusil et de chasser les voyous. L'insistance de la soeur de Thao convaincra Walt à accepter que son jeune voisin paie sa dette en travaillant pour lui. Tout ça pendant que le prêtre du quartier tente par tous les moins d'emmener le vieux grincheux en confession.
Le personnage de Walt Kowalski, qui est pourtant fascinant, est enfermé dans un film bancal qui l'utilise à mauvais escient. Dans une première partie un peu molle et précipitée, Eastwood définit simplement Kowalski en décrivant ce qu'il est comme le ferait un étudiant en scénarisation, c'est-à-dire en « montrant » ce qu'on pourrait « dire » de lui. Le personnage est donc rapidement cerné, et l'histoire du film suivra donc son cheminement à lui. C'est cette deuxième partie du film qui est la plus réussie, alors que Walt (qu'Eastwood défend lui-meme, non sans auto-dérision) et son jeune voisin Thao (Bee Vang, sans grand talent) développent une belle complicité.
La finale est ratée et réussie à la fois. Réussie en ce sens qu'elle aurait pu être bien pire et que Kowalski, contrairement à bien d'autres au cinéma, prend une décision logique et éclairée, qui n'est pas précipitée par les émotions. Cette finale, qui est pourtant lourde de symboles, enfonce le film plus profondément encore dans le mythe américain en abordant un nouveau thème qui surpasse celui de la vengeance : la justice. Là où d'autres films, qui parlent de justice faite soi-même, commenceraient, Gran Torino lui se termine, ce qui laisse le propos - car il ne fait aucun doute que le film soit grandement éditorial - incertain et peut-être inassumé.
On remarquera une continuité esthétique et thématique avec Million Dollar Baby et Mystic River, mais certainement pas niveau qualité. Ces deux films, beaucoup plus forts dramatiquement parlant, étaient des oeuvres maîtrisées qui étaient plus cinématographiques que sociales. S'il semble évident que les deux ne sont pas complètement indissociables, il ne faut pas que le commentaire prenne le pas sur le cinéma, ce que fait pourtant Eastwood dans Gran Torino. Cela ne signifie pas qu'il le fasse maladroitement et qu'on n'y voit aucun intérêt cependant, simplement qu'il aurait gagné à donner le temps à son scénario de tomber en place comme il le fait avec sa mise-en-scène.
Gran Torino est un film assez « intéressant ». Mais « intéressant » ne veut pas dire « réussi », et cette histoire de rédemption, qui a ses bons moments, demeure une ?uvre qui porte la signature de son auteur, mineure dans une filmographie confirmée.
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