Goon est un film canadien, réalisé par Michael Dowse, et scénarisé par Jay Baruchel et Evan Goldberg - deux Montréalais d'origine qui connaissent leur part de succès à Hollywood - qui arrive dans la foulée d'une réflexion profonde du monde du sport sur le métier de goon et sur la violence au hockey et les commotions cérébrales (et après un été particulièrement tragique). Disons que le timing pourrait être meilleur. Mais laissons ce débat au monde du hockey, plaçons celui de Goon dans celui du cinéma : quelle valeur peut bien avoir un film si entièrment dédié au divertissement? Celle du divertissement, tout simplement. L'humour, la cohérence et l'aspect provocateur du film en font un objet cinématographique digne d'intérêt.
La comparaison avec Slap Shot est évidente, elle est facile et elle est... justifiée. Dans la plus pure tradition de ce grand classique du sport, Goon est un film vulgaire, violent - en termes de hockey, c'est un film « agitateur » - et particulièrement jouissif; parce qu'il se déroule sous le spectre de la fiction. Dans la réalité, ces gestes n'ont aucune raison d'être et son répréhensibles, mais dans ce contexte particulier de cinéma, ils sont justifiés.
La violence du film s'inscrit ici dans une logique d'esthétisation et de divertissement; la bagarre, ultra-stylisée par la caméra nerveuse du réalisateur et de nombreux ralentis (sans compter un travail sonore impeccable), devient le spectacle, l'objet cinéma. Les quelques thématiques sportives d'esprit d'équipe et d'entraide sont bien intégrées à l'humour du film, qui est malheureusement inégal entre les scènes dans le vestiaire et le flirt du héros avec Eva (une « plotte à puck » nouveau genre?). En fait, ce cas est symptomatique : quand le film se contente des clichés (le frère gai), il n'est pas très drôle; c'est quand il contourne les attentes qu'il fesse en plein dans le mille.
Le doublage québécois, ponctué de sacres et de nombreuses vulgarités (fidèles à la version originale, donc), rend tout à fait justice à l'esprit du film. Une comparaison des deux versions permet aussi de constater le sens du « punch » (on parle d'humour ici, pas de bagarres) du doublage, qui surpasse même parfois la version originale en terme de naturel et de rythme. Bien sûr, le doublage diminue légèrement l'impressionnante performance des acteurs, dont l'étonnante subtilité dont fait preuve Seann William Scott, dans le rôle principal, celui d'un gros imbécile qui est parfaitement conscient de ses capacités. Cela le rend attachant. À noter ici l'efficacité de Liev Schreiber, Alison Pill et Marc-André Grondin dans les rôles secondaires.
S'il avait été un peu plus drôle (c'est-à-dire plus constant), Goon aurait pu devenir un grand classique du cinéma sportif. Il a les mêmes défauts que la plupart des films de hockey (aucun réalisme dans toutes les phases du jeu), mais les contourne habilement en s'intéressant plutôt au métier ingrat de ces bagarreurs, dont la vocation est en perdition. Et pour cause, semble dire le film, lorsqu'il met en contraste toute cette violence et sa médiatisation démesurée.