Faire une adaptation de Roméo et Juliette avec des nains de jardins était une idée tellement absurde qu'elle en devenait riche et prometteuse. Le résultat est franchement (et étonnamment) convaincant. Les créateurs sont parvenus à éviter certains clichés aberrants - tout en tirant profit de l'aspect burlesque des personnages - et à construire une histoire cohérente, par moments dramatique, par moments hilarante. Ils sont même arrivés à échafauder des scènes particulièrement angoissantes et à créer un sentiment d'appartenance envers les protagonistes – fait tout de même remarquable considérant que les protagonistes en question sont des nains de jardin.
Gnoméo est un jeune nain de jardin intrépide qui fait partie du clan des Bleus. Un jour, il rencontre fortuitement Juliette, la fille du chef des ses ennemis les Rouges, et tombe follement amoureux d'elle. Les deux tourtereaux vivent leur idylle dans la cour d'une maison abandonnée, mais leur amourette connaît un dénouement tragique lorsque leur béguin est dévoilé au grand jour. Le père de Juliette la colle sur son piédestal pour l'empêcher de revoir Gnoméo. Mais l'amour est, semble-t-il, plus fort que tout.
Le concept primaire de Gnomeo et Juliette s'apparente beaucoup trop à Histoire de jouets pour qu'on lui accorde un caractère purement original - des jouets qui s'animent lorsque les humains ont le dos tourné ou des nains de jardins qui se livrent un combat épique lorsque les propriétaires quittent leur demeure, c'est drôlement semblable. Mais, reste que le canevas est bien exécuté et que le principe est d'une efficacité incontestable. On y retrouve toutes les figurines classiques - d'un « quétaine » maintenant « inn » - qui surveillent paisiblement les jardins des hommes; le pêcheur avec son poisson condamné à sa ligne, la grenouille arrosoir, le flamand rose, les jumeaux sur le même support et les faux champignons.
Un travail méticuleux a été accompli par l'équipe de production pour respecter l'univers (malgré son aspect fantastique), ne faisant abstraction d'aucun détail. Le mouvement (fluide et rigide à la fois) de chacun des personnages est accompagné par un tintement homologue à celui de la céramique sur une surface rigide et les corrélations entre l'oeuvre de Shakespeare et le destin de ces petits êtres de faïence sont, en plus d'être nombreuses, profitables au développement narratif. Cette histoire ne pouvait se terminer de manière aussi tragique que l'originale - c'était inévitable - des subterfuges pertinents ont donc été déployés pour conserver les axiomes principaux sans tomber dans la tragédie ou le cliché facile.
La plupart des voix québécoises, notamment celles de Maxime Leflaguais et de Sophie Cadieux - qui incarnent les deux amants, ont été savamment choisies puisqu'en plus de coller au physique des bonshommes de céramique, elles définissent - grâce au timbre et à l'émotion véhiculée - la personnalité de chacun des personnages. La musique d'Elton John colle, elle aussi, parfaitement à l'univers du film. Les airs enjoués et les mélodies folâtres aident le spectateur à intégrer plus aisément ce monde chimérique.
Évidemment, on se questionne tous sur le niveau de sobriété de la personne qui a un jour proposé ce projet aux directeurs de Touchstone Pictures et encore davantage de celle du P.D.G. qui a cru à cette idée jusqu'à la financer (je vous rappelle que l'on parle de Roméo et Juliette avec des nains de jardins). Mais peut-être en fait est-ce ce qui manque aux dirigeants de studios hollywoodiens; l'audace d'oser.
Les créateurs sont parvenus à éviter certains clichés aberrants - tout en tirant profit de l'aspect burlesque des personnages - et à construire une histoire cohérente, par moments dramatique, par moments hilarante. Ils sont même arrivés à échafauder des scènes particulièrement angoissantes et à créer un sentiment d'appartenance.
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