Quels sont les éléments pour faire pleurer? Tout débute généralement par une injustice profonde. On rajoute à cela un enfant en détresse, un animal blessé, des parents dépassés par les événements, une famille qui est sur le point d'éclater, une scène de bonheur intense (par exemple un accouchement), une séquence prenante où il y a des pleurs mêlés de ralentis, de faux espoirs, de la musique sirupeuse, etc. Gifted possède tout ça et sans être aussi mélodramatique qu'un Lion, son honnêteté est facilement remise en question tant les ficelles s'avèrent énormes.
On est pourtant ému devant le destin de cette fillette de sept ans (McKenna Grace), une enfant surdouée pour les mathématiques que se disputent son oncle (Chris Evans) qui lui souhaite une vie normale et sa grand-mère (Lindsay Duncan) qui désire exploiter ce talent exceptionnel. Les bons sentiments coulent à flots et ils finissent par toucher une corde sensible.
Le récit baigné de lieux communs débute comme le très réussi Little Man Tate de Jodie Foster pour se transformer en l'excellent Kramer vs. Kramer de Robert Benton. Le long métrage ne possède toutefois pas la sensibilité et la finesse de ces deux oeuvres phares. S'il mélange humour et drame avec un savoir-faire évident, il ne s'agit finalement que d'un feel-good movie de plus, charmant et oubliable.
Après avoir offert le délicieux (500) Days of Summer et les deux respectables derniers épisodes de Spider-Man, le cinéaste Marc Webb tombe de son piédestal. Sa mise en scène pas toujours inspirée multiplie les cadrages serrés et les plans superflus. Tout ce qui se déroule au tribunal est abject à regarder, alors que le reste demeure terriblement conventionnel. Il n'y a pratiquement que ce moment sincère entre l'héroïne et son oncle lors du coucher de soleil qui sort favorablement du lot.
Le réalisateur se reprend en dirigeant adroitement ses acteurs. Débarrassé de son bouclier de Captain America, Chris Evans rappelle les espoirs fondés en lui dans Puncture et Snowpiercer. Il est capable d'être juste tout en laissant l'espace nécessaire à la talentueuse McKenna Grace pour briller. Lindsay Duncan trouve son plus beau rôle depuis l'inoubliable The Reflecting Skin, Jenny Slate d'Obvious Child donne un nouveau souffle à sa carrière au cinéma dans le rôle d'une prof attentionnée et Octavia Spencer est égale à elle-même en voisine protectrice.
Ces interprétations senties apportent une humanité à l'ouvrage. Bien que prévisible et sentant la recette à plein nez, la création se laisse regarder sans difficulté. Il s'est fait bien pire sur le sujet... mais il s'est également fait bien mieux. Surtout au niveau des productions américaines qui sont ponctuées de joyaux comme le magistral In the Family de Patrick Wang, qui apportait une réelle dimension cinématographique à ces délicates questions de garde d'enfant. Gifted se contente du minimum requis, ne prenant au final aucun risque.