En Israël, c'est le mari qui consent au divorce et sa décision est appliquée par un tribunal de rabbins. Lorsque la religion fait la loi dans la chambre à coucher, rien ne va plus.
C'est ce cas peu connu, mais offusquant, qui fait la trame narrative de Gett: Le procès de Viviane Amsalem, dernier tome d'une trilogie de Shlomi et Ronit Elkabetz qui comprend également Prendre femme et Les sept jours, mais qui peut très bien se regarder de façon indépendante.
Huis clos qui n'est pas sans mélanger les illustres Une séparation d'Asghar Farhadi et Scènes de la vie conjugale d'Ingmar Bergman, le long métrage résulte en une succession de conversations filmées qui se déroulent en cour et qui passent en revue les fondations du couple et de l'union, de l'amitié et de la trahison, des processus juridiques et religieux. L'héroïne qui a soif de liberté et d'émancipation ne reproche pas la violence ou les infidélités à son mari, mais son absence et son indifférence. Un manque d'amour que personne ne semble saisir, encore moins approuver et qui émeut énormément.
Cela donne un procès infini ponctué d'ellipses révélatrices sur le temps qui passe. De l'injustice profonde de la situation qui est digne d'un Kafka moderne, on bascule soudainement dans la satire et dans l'absurde. Des ruptures de tons qui permettent de reprendre son oxygène, le comique donnant ironiquement des munitions à cette tragédie des sentiments.
Ode au jeu et au verbe qui peut essouffler dans son abus de mots, sa trop longue durée et ses répétitions (volontaires), le film développe une tension de tous les instants qui ne se résorbe pas avant la fin. L'identification est totale et immédiate envers le personnage d'épouse éplorée incarnée par Ronit Elkabetz (La visite de la fanfare) qui évite de la jouer victime sans faille. Une interprétation intense et bouleversante qui contraste avec le jeu glacial et sobre de Simon Abkarian (acteur fétiche de Klapisch et de Guédiguian), détestable en mari entêté.
La mise en scène parfaitement calibrée évite le téléfilm d'usage. La caméra adopte les différents points de vue des personnages, se concentrant sur leurs regards, faisant littéralement imploser les murs de la cour. Elle colle aux visages tout en instaurant un habile processus de champs-contrechamps qui n'est pas sans rappeler un certain Whiplash. Un petit tour de force qui ne sent pas trop la mécanique et qui privilégie l'essentiel: les dialogues et la déroute humaine.
Oppressant, étouffant sous un rythme rapide d'échanges où l'hébreu, le français et l'anglais se succèdent pour passer à la vitesse de l'éclair de l'officiel à l'intime au confidentiel, Gett: Le procès de Viviane Amsalem qui a été nommé aux Golden Globes dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère n'est pas une oeuvre à prendre à la légère. Mais en y mettant les efforts requis, on en ressort révolté et gonflé à bloc. N'est-ce pas la base de tout début de changements? Ce n'est bien entendu que du cinéma, mais c'est toujours beau de rêver.