Personne ne s'attendait au triomphe de Get Out. Produit à moins de cinq millions de dollars, le film en a déjà engrangé plus de 140 tout en récoltant des critiques dithyrambiques (il est à 99% sur Rotten Tomatoes). C'est énorme pour un long métrage horrifique et sans vedette, qui est sorti dans les salles québécoises uniquement en anglais... ce qui ne l'a pas empêché d'obtenir un bon succès. À quoi est dû ce phénomène?
Certainement à son scénario ingénieux, d'une intelligence et d'une pertinence rare. Alors que les crimes racistes défraient régulièrement les manchettes aux États-Unis, le récit s'amuse avec les préjugés en détournant la prémisse du célèbre Guess Who's Coming to Dinner qui mettait en vedette Sidney Poitier. Une jeune femme blanche présente son amoureux de couleur à sa famille qui l'accepte les bras ouverts. Normal pour un clan libéral qui a voté pour Barack Obama. Tout se déroule si parfaitement qu'il doit y avoir anguille sous roche. Mais est-ce réellement le cas?
Le fait que Get Out soit dans l'ère du temps avec les questions sociales qu'il soulève ne doit pas faire de l'ombre à ses qualités cinématographiques. Moonlight n'a pas remporté l'Oscar du meilleur film pour son opportunisme, mais parce qu'il s'agit d'une création d'exception. Le constat est similaire pour cette première réalisation de Jordan Peele, un humoriste surtout connu pour ses duos avec Keegan-Michael Key et qui tenait la vedette du très oubliable Keanu. Le changement de registre est radical et sa mise en scène très maîtrisée impressionne dès le premier plan continuellement en mouvement.
Plus stressant que réellement épeurant, l'opus sait développer une tension de tous les instants en s'avérant d'une drôlerie constante. Peele propose une satire qui fait régulièrement mouche : une des plus acidulées depuis le maître Bunuel. Son intrigue a beau s'approprier celle de The Stepford Wives, elle propose de multiples niveaux de lecture afin de permettre un second visionnement tout aussi satisfaisant. C'est là qu'on pourra apercevoir des détails qui auraient pu nous échapper et noter les hommages, que ce soit à Lynch, Cronenberg, Carpenter, Rosemary's Baby et même A Clockwork Orange.
Évidemment, il faut vouloir jouer le jeu pour en soutirer le maximum de plaisir. Le mélange de genres peut être déconcertant et les ruptures de ton allongent les interrogations sadiques. Après un troisième acte tout simplement dantesque, la finale ironique est loin d'être concluante.
Ce ne sont pourtant que des bémols bien mineurs lorsqu'on se retrouve devant une fable paranoïaque aussi brillante que divertissante, qui sait comment choquer, provoquer et rendre inconfortable en défiant constamment les attentes. Voilà un filon qui risque de faire des petits et qui, dans la lignée de It Follows, pourrait bien révolutionner le cinéma de genre.