La Gare du Nord, à Paris, est un endroit unique. Au coeur de la Ville Lumière, la gare voit défiler au bas mot 500 000 passagers par jour, elle est le point de départ de trains vers toute l'Europe, est le point de rencontre de bus, de trains, de TGV, de l'Eurostar, du Thalys, du RER et du métro parisien. Il règne sur les quais une ambiance surnaturelle, un incessant bourdonnement en plus d'un étrange et stimulant mélange du froid de l'extérieur et de la chaleur provenant de l'intérieur. C'est un lieu baigné d'une poésie étrange, où se croisent des vies qui autrement, ne se rencontreraient jamais. Gare du Nord réussit à passer à côté de tout ça.
D'abord à cause de la confusion généralisée de ses intentions. Se posant d'abord comme le récit d'une rencontre, bientôt un coup de foudre, entre un sondeur en rédaction de thèse et une dame d'âge mûr, le film digresse vers une étude sociale ultra-simpliste reprenant les codes du documentaire. Premier problème : jamais ce coup de foudre ne nous semble même plausible tellement il est plaqué et désincarné. Il faut un effort soutenu pour finalement l'accepter, juste à temps pour que le film l'abandonne pour se consacrer à autre chose, sous de fausses bonnes intentions de portrait documentaire. Avant d'abandonner l'aspect documentaire.
Cet argument de portrait documentaire ne tient pas davantage : l'empreinte de la réalisatrice est si évidente et si connotée que jamais on a l'impression de comprendre cette Gare, comme métaphore de toute la France, ni même de l'observer objectivement. Les phrases toutes faites, faussement philosophiques, s'accumulent et plus rien ne nous apparaît transcendant. L'étude sociologique ne s'en remet pas, riches, pauvres et autres humanités devenant simplement gentils et méchants.
Gare du Nord, c'est aussi le récit de Sacha, qui cherche sa fille en fugue, ou celui de Joan, une agente immobilière qui voudrait rentrer voir ses enfants mais qui doit attendre des clients. C'est aussi une part de mysticisme, des intrusions fantomatiques qui n'inspirent ni poésie, ni émotion, que de la confusion et de l'incohérence, dans laquelle le film en entier finit par s'engouffrer. L'interminable finale tirant sur le mélo fait la lumière sur le vide qu'on vient de regarder.
On a même droit à un des moments les plus risibles de l'année, alors que Monia Chokri (pauvre elle, son talent vaut mieux que ça) est prise d'une crampe à un moment inopportun. La scène est hilarante, vraiment. Frustrante aussi, puisqu'elle illustre ce que ce film a de plus répréhensible : une manipulation effrontée du réel à des fins scénaristiques. Ce film est si confus qu'il évoque à la fois le drame, la comédie, le coup de foudre, le film d'enquête, le documentaire, le surnaturel, le burlesque... Pas étonnant qu'on y soit perdu.
Étrangement, dans la Gare du Nord, la vraie, on est très rarement perdu. Parce qu'on y a un but; partir quelque part, en revenir. Observer la condition humaine. Ici, rien de tout cela.