La fin des années 70 est une période florissante et prometteuse pour le Québec; les Jeux Olympiques, la grande valeur du dollar canadien, le premier référendum et, évidemment, la position favorable de Montréal pour devenir la capitale du disco et, tacitement, celle du divertissement. Le sujet est riche et admirable pour tout créateur, certes, mais, l'est-il trop pour une oeuvre cinématographique d'un peu plus de deux heures? C'est tristement le constat que l'on se doit d'émettre lorsque défile le générique de ce film qui étonne pourtant par ses performances mémorables et ses nuances dramatiques, même au coeur de la réalisation.
Sept personnages, issus de milieux bien différents, vivent à leur manière les folles années du disco à Montréal. L'un est animateur de radio et de télévision, l'autre, depuis peu fiancé à une femme, refoule des tensions homosexuelles; une est prête à tout pour percer dans le monde de la musique alors qu'une autre fait de son mieux pour diriger une discothèque malgré les pressions tyranniques de son père.
Funkytown aurait probablement été une magnifique série-télévisée puisque, comme c'est souvent le cas à la télévision, les personnages surclassent l'intérêt du récit. Avec chacune des histoires racontées dans le long métrage, on aurait facilement pu produire une émission d'une heure (et même une série entière tellement leurs aventures respectives sont complexes et diversifiées). Ce n'est pas une mauvaise chose en soi que d'avoir maintes idées à exploiter et nombre de sujets à couvrir, mais, lorsque le temps est limité, l'argent est compté et l'intelligibilité essentielle, on se doit d'être conservateurs. Si on tenait au format du film choral, peut-être aurait-on pu diminuer le nombre de personnages principaux - et donc le nombre d'intrigues développées - ou diminuer le caractère dramatique de certaines situations pour alléger le récit et permettre aux spectateurs de s'attacher davantage aux protagonistes? Parce que, dans le cas présent, on est plus affairé à suivre décemment le récit qu'à s'inquiéter du sort des héros.
Au-delà de cette lourdeur dramatique qui affecte l'accessibilité et réceptivité positive du message, le travail de reconstitution et le jeu généralement honnête des acteurs empêchent le long métrage de sombrer dans la fadeur et le désintérêt. Patrick Huard - avec sa voix radiophonique et son charisme incomparable - livre une performance fidèle à l'époque, empreinte d'émotions et de frivolités. La mannequin Sarah Mutch (qui éblouira irrémédiablement par sa grande beauté) dévoile un talent d'actrice indéniable, jonglant allègrement entre affliction et frénésie. Même s'il nous faut un certain temps pour consentir au personnage excentrique et caractériel qu'interprète Paul Doucet, on finit par affectionner bien davantage de cet homme que d'autres, plus « normaux ».
La qualité des décors et des costumes mérite également d'être soulignée. Rien n'est laissé pour compte; les coiffures, les souliers, les voitures, les ameublements, tout semble avoir été étudié de sorte que la reconstitution historique soit la plus réaliste possible. Et visuellement, ça fonctionne. La réalisation de Daniel Roby, parfois fluide parfois statique, nous transporte avec sagesse et maîtrise dans le monde désinvolte du disco.
Malgré l'efficacité de l'image, de la trame musicale et le talent indubitable des interprètes, la densité des thèmes exploités - coudoyant trop souvent le mélodrame - et leur importance en nombre, est malencontreusement le principal souvenir que l'on garde de l'oeuvre. On a déjà payé les acteurs, peaufiné les textes de chacun, créé une unité performante; on ne peut donc se résoudre à soustraire un protagoniste. C'est défendable, mais à quel prix?
Malgré l'efficacité de l'image, de la trame musicale et le talent indubitable des interprètes, la densité des thèmes exploités - coudoyant trop souvent le mélodrame - et leur importance en nombre, est malencontreusement le principal souvenir que l'on garde de l'oeuvre.
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