Le délire a toujours été le dada de Quentin Dupieux. Le roi de l'absurde le prouve à nouveau avec Fumer fait tousser, une création joyeusement décalée et bordélique.
Connu sous son sobriquet musical Mr. Oizo, Quentin Dupieux met en scène des films depuis une quinzaine d'années. Ses premiers essais comme Rubber relevaient de concepts extrêmement originaux, ancrés dans le non-sens, qui tenaient toutefois difficilement la route sur le plan de la durée. Tout a changé en 2018 avec son truculent Au poste! qui demeure, encore à ce jour, son essai le plus savoureux en carrière. Depuis, ses réalisations se sont succédé sur des sujets aussi cinglés qu'un blouson qui rend fou (Le daim), une mouche gigantesque (Mandibules) et un voyage dans le temps hors de l'ordinaire (Incroyable mais vrai).
Chaque nouveau projet s'avère plus accessible que le précédent. Cela ne fait pas de Fumer fait tousser une comédie conventionnelle pour autant. Même si l'effort débute comme un film de superhéros où cinq justiciers - la Tabac Force - tentent de terrasser un ennemi. On est plutôt devant une parodie des Power Rangers, une relecture ultra kitch qui pille le passé (les vieux épisodes de Godzilla, Star Trek et autres Lost in Space) pour mieux s'en moquer. Des costumes aux effets spéciaux, difficile de faire plus risible et rétro.
L'humour toujours très particulier chez Dupieux prend toutes les avenues possibles et inimaginables. Il est autant physique qu'axé sur les dialogues et les situations, arrivant parfois sous la forme d'un décalage ou de répétitions. Les gags débutent timidement avant de faire boule de neige et d'épargner rien ni personne. Des spectateurs resteront de glace tandis que d'autres vont rire aux larmes. Afin d'en profiter pleinement, mieux vaut découvrir le tout au cinéma, dans une salle bondée, ce qui rendra l'expérience vraiment mémorable.
À priori, le concept de film à sketches (les personnages racontent des histoires horrifiques) peut paraître paresseux. Et il l'est. Cela n'enlève rien au ton ironique et sarcastique. Ou à la progression rythmée et insensée de chaque mini intrigue qui se vautre dans le gore, dans une logique interne brillante débordant de surprises. Pour s'en convaincre, il faut voir la tentative de Blanche Gardin pour secourir son neveu. Un moment culte qui rappelle les Monty Python.
Tout n'est évidemment pas du même calibre. La moyenne au bâton demeure cependant élevée. Surtout que ce n'importe quoi pleinement assumé est élevé par des acteurs du calibre de Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier et Benoît Poelvoorde. Une distribution impeccable où l'hilarant Alain Chabat prête sa voix à une inoubliable marionnette sexiste et dégueulasse.
Ludique à souhait, Fumer fait tousser n'en demeure pas moins centré sur les préoccupations de tous les jours. La planète va finir par exploser. La technologie ne pourra nous sauver. Les êtres humains passent leur temps à se diviser et c'est évidemment mal de fumer. Mieux vaut en rire qu'en pleurer et c'est grâce à l'absurde que ce reflet du monde réel prend tout son sens.