On peut parfois penser à tort que de produire un « feel good movie » est une tâche relativement aisée; quelques scènes comiques, un drame qui lance ou qui conclut l'intrigue et divers personnages charismatiques auxquels on peut s'identifier. Mais, la réalité est évidemment toute autre et la recette bien plus complexe. La modération et la pondération sont les mots-clés ici. Pour réussir ce genre de film, le scénario doit être d'une rigueur exemplaire, tout comme le montage et la réalisation qui ne peuvent guère s'engager dans des développements laborieux ou une esthétique moins conventionnelle - l'originalité n'est pas un obstacle au succès mais elle se doit d'être modérée, réfléchie. Là ou bien d'autres au Québec ont échoué (French Kiss, pour ne nommer que celui-là), Frisson des collines triomphe fièrement. Il y a bien entendu certaines failles et diverses lacunes qui empêchent l'oeuvre de Richard Roy de se démarquer complètement, mais le long métrage atteint entièrement son objectif qui se résume à distraire, émouvoir et faire rêver son public.
Personne n'était mieux désigné que Guillaume Lemay-Thivierge pour incarner Tom Faucher, ce motard sympathique et idéaliste qui espère - un peu naïvement - changer le monde. Sa candeur, son charme évident, son talent indéniable confèrent à son personnage une authenticité et une sensibilité qui transparaît à l'écran et nous permet de s'y attacher instinctivement. Le jeune acteur Antoine Pilon est également très efficace dans son rôle de Frisson des collines, un garçon de dix ans qui fait les 400 coups dans son petit village de la campagne avec son ami Thibault, qui aime secrètement sa professeure et qui tente de surmonter la mort inattendue de son père. Malgré son inexpérience (qui est en fait profitable puisqu'il manifeste une crédulité et une innocence appropriées à son personnage), il livre une brillante performance. Un jeune acteur que l'on risque de voir de plus en plus au petit et au grand écran dans les prochaines années.
L'oeuvre ne comporte presque aucun temps mort. Il y a naturellement des moments plus faibles, moins dynamiques, mais ces derniers complètent habilement ce récit personnel, presque autobiographique. Fort heureusement, les quelques passages dramatiques - soit principalement la mort du père de Frisson - ne sont pas envahissants, comme c'est souvent le cas dans les drames québécois - qui ont l'habitude d'illustrer une quête spirituelle suite à une tragédie. On rit davantage qu'on pleure. Cela ne signifie pas par contre que le film soit démuni de situations affligeantes (lorsque Frisson file à toute vitesse sur son vélo vers un endroit paisible pour crier sa peine, c'est déchirant et poignant pour le public, témoin passif de cette détresse d'enfant).
Cela faisait quelques temps déjà que nous n'avions pas eu au Québec une oeuvre aussi réjouissante, qui fait du bien à l'âme et au coeur conjointement. Ce long métrage, s'apparentant aux My Girl ou Now and Then américains parus dans les années 90, saura peut-être (comme il l'a fait pour moi) vous rassurer sur le potentiel « grand public » (et efficace) de nos créateurs québécois. Il est possible de produire une oeuvre rafraîchissante, intelligente et accessible, nous en avons aujourd'hui la preuve.