Peut-on entraîner un homme à tuer son prochain? L'esprit humain est-il à ce point malléable que la violence peut devenir un mal véniel, voire salutaire? La guerre ou la patrie sont-elles des raisons suffisantes à l'exil d'un père, à la décrépitude d'une famille? Bien au-delà d'un simple divertissement, Frères est un film de coeur et d'esprit, un long métrage pertinent qui soulève des questionnements et perturbe les consciences, aussi équilibrées soient-elles.
Le capitaine Sam Cahill part pour la guerre en Afghanistan, laissant derrière lui sa femme Grace et ses filles Isabelle et Maggie. Bien que l'absence de Sam soit douloureuse, les trois femmes continuent leur existence en attendant impatiemment son retour. Mais un jour, des soldats viennent annoncer à Grace la mort de son mari. Malgré sa tristesse, elle tente de poursuivre une vie normale, appuyée par le frère de son époux, Tommy. Sam a par contre survécu à l'écrasement de son hélicoptère et est récupéré par des troupes ennemies en plein désert. Pendant qu'il subit d'inimaginables souffrances, sa femme s'attache de plus en plus à Tommy et reprend un rythme de vie plus équilibré. Mais tout bascule lorsqu'on lui apprend que Sam est vivant et qu'il revient à la maison. Heureuse de revoir son mari, elle comprend rapidement que la guerre l'a changé; il est maintenant plus agressif et suscite la peur chez sa famille.
Le talent des acteurs en est pour beaucoup dans la réussite de ce long métrage. Aussi intense qu'édifiant, leur jeu rappelle à la réflexion et à l'analyse des fondements humains. Tobey Maguire, dont l'intensité est peut-être parfois trop centralisée dans son regard (aussi troublant qu'irritant), effraie et ébranle le spectateur (on est loin du méchant Spidey et sa coupe emo). Jake Gyllenhaal et Natalie Portman font également un travail exceptionnel, nous faisant croire à la détresse de cette famille américaine jusqu'à éprouver de la compassion. Les jeunes actrices Bailee Madison et Taylor Geare donnent également une performance renversante. Les scénaristes ont su leur accorder des mots d'enfants, des comportements espiègles, sans prétention : papa est mort alors faisons des crêpes pour consoler maman... Trop fréquemment les scripteurs ont tendance à prodiguer un vocabulaire adulte à des bambins, mais l'effet est mille fois mieux ressenti et compris lorsque la naïveté enfantine n'est pas cachée sous des prétextes d'homogénéité scénaristique ou de bienséance globale.
Le film danois duquel Frères s'est inspiré était déjà puissant et mémorable, tant dans son scénario audacieux que dans la justesse des thèmes exploités, mais la version américaine parvient à toucher davantage le public nord-américain, de plus en plus au fait des pertes d'hommes au Moyen-Orient. Aucune violence gratuite pour épater ou alarmer le spectateur (et Dieu sait que les possibilités de carnages auraient été nombreuses), aucune séquence inutile, aucun dialogue vide ou impertinent, que des émotions pures et des images éloquentes.
Les films qui nous font spéculer judicieusement sur les défaillances de notre société, qui nous font entrevoir la précarité de l'esprit humain, son inconstance, ne sont que très peu nombreux, mais Frères compte parmi ces oeuvres supérieures. Il est une ode à l'existence, aux travers pernicieux des hommes, aux injustices que l'on se prodigue, se croyant tous les héros de l'histoire... Mais si les méchants n'étaient pas ceux que l'on croit?
Les films qui nous font spéculer judicieusement sur les défaillances de notre société, qui nous font entrevoir la précarité de l'esprit humain, son inconstance, ne sont que très peu nombreux, mais Frères compte parmi ces œuvres supérieures. Il est une ode à l'existence, aux travers pernicieux des hommes, aux injustices que l'on se prodigue, se croyant tous les héros de l'histoire.