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L'homosexualité en spectre opposés.
Découvert à la Berlinale cette année, ce premier film réalisé en duo par Sam H. Freeman et Ng Choon Ping est une œuvre queer flamboyante, charnelle et envoûtante. Et surtout totalement réussie. On est sur une trame classique de vengeance mais avec ce côté tension (homo)sexuelle et (homo)sensuelle qui lui donne un caractère singulier et permet de croquer deux personnages gays aux antipodes l’un de l’autre : un jeune black assumé et reconnu dans le milieu du drag londonien qui va se faire agresser par un groupe de mecs virils et violents dont un gay viril et refoulé. Le hasard va faire que ce dernier va être reconnu dans un sauna par sa victime quelques mois plus tard. L’agresseur ne le reconnaissant pas sans sa tenue de drag-queen, l’idée d’une vengeance précédée va se mettre en place mâtinée de séduction. On est donc au pied de deux personnages se trouvant à l’opposé sur le spectre comportemental de l’homosexualité. Deux êtres qui vont finir par se désirer, s’aimer, se détester, tout cela en même temps créant une atmosphère sulfureuse et tendue du meilleur effet.
La mise en scène de « Femme » est hypnotique sans paradoxalement jouer de beaucoup d’effets que ce soit des filtres, des cadrages particuliers ou des fantaisies visuelles destinées à flatter l’œil. Elle suit juste ces deux personnages dans un Londres interlope fait d’endroits anonymes et banals. Mais surtout Jules, notre jeune victime, qu’on ne lâchera pas d’une semelle de tout le long-métrage. On ressent sa détresse et sa peur suite à son agression par petites touches anodines. Avec peu de dialogues précisant son objectif vengeur, on devine dans son regard et ses gestes ce qui peut se passer en lui. La dichotomie voire le déchirement entre son envie de vengeance et d’humiliation pour son agresseur et le désir sauvage qu’il commence à éprouver pour lui est parfaitement rendue. Leur histoire est captivante car toujours au bord du précipice, la peur de l’un répondant à la peur de l’autre même si elle n’est pas de même nature (celle de se voir battu ou violenté pour le premier, la peur que l’on découvre son homosexualité pour l’autre). Et pourtant, petit à petit, on a l’impression que des sentiments naissent entre eux et on trouve leur relation de plus en plus belle et attendrissante.
« Femme », dans un récit concis et efficace, nous met dans une position peu commune entre tension, crainte et empathie. Le film passe à une vitesse folle et on est constamment dans l’attente ou la peur de la découverte du pot aux roses. L’épilogue pourrait paraître un peu abrupt mais cette fin ouverte suite au climax est plutôt bien vue, laissant au spectateur le choix de décider ce qui est le mieux pour Jules. On regrettera peut-être la coïncidence que l’agresseur et l’agressé se retrouvent par hasard et le fait que le premier ne reconnaisse pas le second; mais sans cela pas de film alors on y prête peu attention.
En tout cas cette première œuvre impressionne et marque durablement les esprits. Une sorte de duel psychologique feutré, langoureux et charnel (le film est assez cru concernant les ébats sexuels entre hommes) qui ne laisse pas indifférent et provoque une multitude de sentiments contradictoires mais appréciables. La découverte d’un duo de cinéma à suivre et la confirmation de deux acteurs incroyables : Nathan Stewart-Jarrett, impeccable de naturel en jeune queer et drag pas si fragile qu’on ne le croirait mais surtout George MacKay, totalement sidérant dans ce rôle ingrat. Il est juste sensationnel entre brutalité incontrôlable, peur de l’autre et sensibilité incandescente. Un acteur pas forcément intéressant jusqu’ici qui nous contredit avec cette prestation sidérante le rendant à la fois terrifiant et magnifique de charme brut. Bref, un très bon film.
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