Le court métrage La bataille de Farador de la série Tom et ses chums a connu un succès impressionnant sur YouTube au milieu des années 2000. Il recèle de répliques cultes pour toute une génération, comme la plus connue : « T'as tué mon bonhomme ». Il aura fallu 18 ans à Édouard Albernhe-Tremblay avant de propulser son oeuvre sur grand écran. Comme les films de genre québécois n'abondent pas, son Farador s'avère d'emblée audacieux et rafraîchissant.
Les geeks, amateurs de jeux de rôle, ne sont pas non plus le type d'individus qu'on a souvent mis au premier plan dans notre cinéma et pourtant, ils possèdent un énorme potentiel comique. On le constate dans Farador, qui aurait, malgré tout, pu exploiter encore davantage les stéréotypes liés à ce groupe. On a voulu miser sur l'authenticité, ce qui n'est pas mauvais, mais qui se révèle beaucoup moins drôle, évidemment, que l'appui du cliché.
Charles, Louis, Paul et Guillaume jouent la même partie de Donjons & Dragons depuis l'adolescence. Charles en est le maître du jeu et ses amis sont des personnages dans le Monde de Farador. Bien que Paul ait récemment abandonné pour aller vivre avec son amoureuse, les trois autres persistent contre vents et marées. Le retour de la soeur de Charles au Québec viendra perturber la petite routine des colocataires. Elle tentera de convaincre son frère de poursuivre ses rêves dans le monde réel, ce qui ne plaira évidemment pas à Louis et Guillaume.
Éric K. Boulianne, Benoit Drouin-Germain et Lucien Ratio forment le parfait trio d'adulescents. Obsédés par leur jeu de rôle, ils gèrent mal les situations de la vie quotidienne. Les trois acteurs jonglent habilement entre la comédie et la vérité, même chose pour Catherine Brunet, qui incarne leur némésis, ébranlant la solidité de leur tour d'ivoire. Florent Losson, l'ex du personnage de Brunet, s'avère aussi très convaincant dans la peau d'un autre détracteur, qui tourne en ridicule le jeu de table de ses cousins québécois.
Si la plupart du film se déroule dans le monde réel, on plonge parfois au coeur du royaume de Farador. Les personnages se transforment alors en leur alter ego médiéval et affrontent des créatures fantastiques telles que des amazones et des ogres. Nous aurions pris encore davantage de ces moments dans la forêt enchantée. Les décors et les costumes épatent, tout comme la plupart des effets spéciaux. Seul le « dragin », mi-dragon, mi-requin, manque cruellement de réalisme. Peut-être que l'intention était d'en faire un monstre loufoque, mais son allure rudimentaire diffère trop avec le reste pour ne pas déconcentrer le cinéphile.
Farador aurait pu être notre Superbad québécois, une comédie caustique et débridée à saveur Donjons & Dragons, mais on a misé pour une quête plus existentielle, plus dramatique. Cela n'en fait pas un mauvais film, au contraire, mais il est moins percutant que ce à quoi nous nous attendions. Reste qu'il a ce qu'il faut pour plaire à un large public, autant à ceux qui savent comment vaincre un Acérérak que ceux qui n'ont aucune idée ce qu'est un Drakéide.