Si jamais il y avait encore quelques sceptiques qui croyaient que « les films d'animation, c'est seulement pour les enfants », ils seront certainement confondus par cette délicieuse production cinématographique qui, avec inspiration et maturité, propose un divertissement intelligent qui ne sacrifie rien au nom de l'enfantin (le risque étant de le méprendre pour le « puéril ») mais qui ne s'aliène pas non plus le jeune public. De par les thèmes abordés, d'abord, qui sont ingénieusement installés au centre d'un récit à l'humour vif, conscient de ses prémisses mais fort inspiré tout de même.
Monsieur Renard emménage avec sa petite famille dans un nouvel arbre. Son neveu, athlète talentueux s'adonnant à la méditation, vient habiter avec eux, ce qui cause bien des soucis au fils sans talent de Monsieur Renard. Le père souhaite le meilleur pour sa famille. Sans le dire à sa femme, ce dernier décide de dévaliser les fermes de messieurs Boggis, Bunce et Bean, qui sont rapidement contrariés et qui prendront tous les moyens pour attraper le renard qui leur cause des ennuis. Avec l'aide des autres animaux de la colline, Monsieur Renard n'a d'autre choix que de défendre son terrier et sa famille.
Avec une technique d'animation manuelle (des marionnettes animées image par image), le réalisateur Wes Anderson reprend donc un conte de Roald Dahl qui aborde certains thèmes récurrents (la famille, l'envie) de son oeuvre. Les marionnettes, brillamment manipulées, permettent un jeu physique hilarant. La minutie de la recréation miniature est impressionnante, et crée une impression d'authentique qui se transmet (c'est aussi simple que ça) aussi aux émotions qu'on essaie de faire passer. Les aventures de Maître Renard sont de ce fait palpitantes, sans temps morts alors qu'entre les quelques scènes d'action proposées on s'amuse tout de même au sein de cette famille étrangement fonctionnelle. On se tient également loin de l'eau-de-rose, des bons sentiments, forcés par la sacro-sainte « bonne morale » qui prévaut habituellement.
Cela dit, on est en droit d'espérer que les enfants seront aussi stimulés que les adultes par ces nombreuses nuances, ces thèmes évocateurs et cet anthropomorphisme ancré dans le quotidien. Disney et Pixar n'ont apparemment pas la suprématie sur les animaux animés au cinéma, et c'est tant mieux, d'autant qu'Anderson ne s'empêche pas de faire du cinéma même si ses personnages sont faits de faux-poil et de tissus. Son souci du détail ajoute de la profondeur, visuellement parlant, aux décors riches, dont les textures sont émanescentes et enchanteresses.
Le travail vocal des Clooney, Streep, Dafoe et Schwartzman (dans la version originale bien entendu) est sublime et certainement aussi énergique et convaincant que le récit, cette fable vivante, humaine et authentique, qui se débarrasse des conventions et des morales « nécessaires » au plus tôt pour se consacrer entièrement à la magie que permet de créer un peu d'intelligence face au spectre des attentes spectatorielles au cinéma. Voilà qui est audacieux, fait, dans ce cas précis, avec élégance et intelligence, de manière à ce que ce soit diffusé et vu. Le résultat, c'est simple, est un film stimulant et émouvant et qui n'est pas réservé à un public en particulier.