Après une décennie à apparaître devant la caméra, la comédienne Charlotte Le Bon se tourne vers la réalisation avec Falcon Lake, un premier long métrage maîtrisé et personnel qui a été lancé au Festival de Cannes plus tôt cette année.
Pendant les vacances, Bastien (Joseph Engel), 13 ans, s'amourache de Cholé (Sara Montpetit), de trois ans son aînée. Il vivra un été qui le marquera à jamais auprès de cette fille pas comme les autres.
Ce film s'inscrit dans la longue tradition du récit d'initiation et d'apprentissage. Celui de l'adolescence, des premiers émois amoureux et de la quête identitaire d'un jeune être qui se transformera au contact des autres. Rien d'inédit au menu, si ce ne sont des lieux souvent communs traités avec sensibilité et délicatesse.
En adaptant le roman graphique de Bastien Vives, la cinéaste y a mis beaucoup de son vécu. Elle puise également aux sources des oeuvres angoissantes et oniriques afin de soigner son ambiance et son atmosphère, jouant constamment avec la réalité et les fantasmes. Des fantômes semblent rôder et leur présence est d'ordre plus mélancolique qu'horrifique, à l'instar du magnifique A Ghost Story de David Lowery.
Pour Charlotte Le Bon, la mise en scène s'efface littéralement devant le sujet qui, à défaut de marquer les esprits, enveloppe par sa poésie et la richesse de sa photographie. Cela n'empêche pas sa réalisation de séduire au passage. L'utilisation d'un ratio proche du carré favorise la proximité et l'intimité entre les personnages. Il permet également de maximiser les grandeurs, d'élever ces arbres menaçants et de montrer une nature grandiose et intimidante à la fois.
Découvert dans La croisade de Louis Garrel, Joseph Engel fait bonne impression, même s'il ne possède pas un charisme à tout casser. Sa chimie avec Sara Montpetit (la plus récente Maria Chapdelaine) opère amplement, surtout lorsque le duo apparaît seul à l'écran. Une direction d'acteurs des plus appréciables, qui n'évite pas une certaine errance dans les rôles plus secondaires.
Si le diable est dans les détails, cette expression s'applique particulièrement à Falcon Lake. Les références demeurent nombreuses et elles ne sont pas fortuites. C'est le cas notamment de ces belles scènes dans la chambre à coucher où les affiches disent autant sinon plus que les dialogues. il y a d'abord celle du mythique Psycho d'Alfred Hitchcock. Comme le roi du suspense, la réalisatrice s'amuse à dissimuler plein de petits indices afin d'annoncer le destin des personnages.
Puis il y a celle du Voyage de Chihiro. Quiconque a pu voir le chef-d'oeuvre d'Hayao Miyazaki reconnaîtra Sans-visage, cette âme perdue qui erre entre le monde des morts et des vivants. Cette figure emblématique fera une nouvelle apparition plus tard, cette fois en tant que costume qui devient source d'émancipation.
Mystérieux à souhait malgré ses contours classiques, Falcon Lake est un premier film plus que satisfaisant. Son rythme n'est pas parfait et ses surprises narratives se devinent aisément. Il possède toutefois suffisamment de profondeur humaine et cinématographique pour qu'on veuille suivre de près la carrière de cinéaste de Charlotte Le Bon.