Les influenceurs ont pris d'assaut le Québec depuis quelques années et toute la population ayant plus de 25 ans a bien du mal à comprendre cette nouvelle réalité. Toutes ces filles et tous ces garçons qui filment leur quotidien avec leur téléphone cellulaire et tous ces abonnés qui les écoutent religieusement est choquant pour bien des gens. Qu'on soit outré, dépassé ou fasciné, le phénomène fait jaser et un film sur le sujet arrive à point.
La réalisatrice Mélanie Charbonneau aborde l'idée avec beaucoup de tendresse et de respect. Fabuleuses n'est pas une ode à la superficialité ni un pamphlet féministe. Le cinéaste respecte les deux camps et propose une réflexion intéressante sur ces jeunes entrepreneures qui utilisent leur visage et la puissance de frappe d'internet pour gagner leur vie. Le personnage de Clara, qui fait des tutoriels de maquillage, utilise des expressions anglophones à la tonne et racontant absolument tout à ses followers, devient rapidement touchant. Au-delà de l'image parfaite, on découvre une jeune femme à la fois fragile et entêtée qui ne veut qu'être aimée. Le public s'identifiera probablement à Laurie, une jeune femme scolarisée et brillante, qui tombe rapidement dans le jeu de la séduction et la chasse aux « likes ». Puis, il y a Élisabeth, une féministe endurcie qui, bien qu'elle se tient loin des réseaux sociaux, a finalement, beaucoup d'influence. L'amitié improbable que vivent les trois protagonistes est inspirante.
Ce trio de jeunes femmes est fascinant à voir évoluer. Les trois actrices qui les interprètent - Noémie O'Farrell, Juliette Gosselin et Mounia Zahzam - apportent une profondeur et une douceur nécessaires à leur alter ego. Il faut dire que Gosselin est particulièrement émouvante sous les traits de Clara, celle qu'on juge trop rapidement et trop sévèrement. La trame narrative n'est pas particulièrement complexe; on sait exactement où la réalisatrice cherche à nous amener, mais le voyage est doux et salutaire. Il s'agit d'un portrait convaincant, sans jugement, d'une génération qu'on s'imagine noyée dans son propre reflet. Heureusement, les apparences sont souvent trompeuses.
Mélanie Charbonneau propose un visuel propret, droit et blanc qui cadre avec cette volonté de perfection des influenceurs. On aime! Ce film très actuel et léger ne vieillira probablement pas très bien, pour des raisons évidentes, mais il est important, drôle et réconfortant ici et maintenant. Pas de nostalgie, juste le moment présent, décoré d'autocollants avec plein d'hashtags et un filtre Crema.
À noter que, dans le film, on retrouve plusieurs rappels à des influenceuses québécoises, dont les maillots Hoaka Swimwear d'Elisabeth Rioux (1,8 million d'abonnés) ainsi qu'un t-shirt créé par l'artiste visuelle Pony (60 000 abonnés).